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REVUE
MUSICALE.

À voir la foule qui assiége les portes du Théâtre-Italien chaque fois qu’elles doivent s’ouvrir, il y a de quoi se féliciter pour tout homme qui s’intéresse quelque peu au progrès de la musique en France. Tous les ans cet empressement s’accroît, et la salle reste la même. En vérité, si cela dure, il faudra bientôt que MM. Severini et Robert aillent planter leur tente de pourpre dans quelque désert, dans la salle Ventadour, par exemple, et livrent ces murs enivrés d’harmonie et tant de fois ébranlés par les trépignemens des spectateurs, à l’Opéra-Comique, qui n’en abusera pas comme ils font.

Depuis tantôt deux mois que la saison d’hiver est ouverte, le public a pu s’assurer par lui-même de l’état satisfaisant dans lequel toutes ces voix si précieuses lui sont revenues d’Angleterre. Giulia Grisi est toujours cette fille infatigable qui soutient tout un répertoire, cette cantatrice généreuse qui lutte à elle seule contre ces trois voix qu’on appelle Rubini, Lablache, Tamburini. Tant de travail l’épuise, mais ne la rebute pas ; ses joues deviennent pâles, sa poitrine se creuse, mais la voix qui en sort est toujours limpide et vibrante. La reprise d’Anna Bolenna a été cette année l’occasion de son premier triomphe ; elle a chanté sa cavatine et le beau duo du second acte avec un goût parfait et une sûreté d’into-