Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 4.djvu/481

Cette page a été validée par deux contributeurs.
475
LA TRAGÉDIE AVANT SHAKSPEARE.

tribut que payait le Portugal, et que si Balthazar a un fils de cette union, ce fils montera un jour sur le trône d’Espagne.

L’heure du rendez-vous a sonné, et les deux amans y ont été fidèles ; mais Balthazar et Lorenzo y sont exacts aussi. Témoins de leurs tendres caresses, ils fondent sur Horatio, et malgré les cris de Bel-Imperia, ils le pendent à un arbre où ils le percent de leur épée, — action inconsidérée, car il ne faut pas saigner un homme qu’on veut faire mourir d’apoplexie, — puis ils partent, entraînant la malheureuse, et étouffant sa voix. Mais cette voix est parvenue à l’oreille de don Hieronimo ; il descend en chemise dans son jardin. Il ne sait s’il rêve ; des gémissemens l’ont réveillé et fait sortir de son lit : c’était une voix de femme ; elle partait de cet endroit ! — Mais quel est ce sanglant spectacle ? un homme pendu ! hélas ! c’est Horatio, mon cher fils ! — Et le pauvre père se lamente sur le corps de son enfant. Aux cris du vieillard accourt sa femme Isabelle, et le pathétique de la scène vient s’accroître de son désespoir maternel. Hieronimo, trempant son mouchoir dans le sang de son fils, lui promet vengeance, et les deux époux emportent le corps inanimé, non pas, malheureusement, sans que don Hieronimo ne se croie obligé de jeter quelques fleurs latines sur sa tombe.


ANDREA.

M’as-tu amené ici pour accroître ma peine ! J’espérais que Balthazar serait tué. Mais c’est mon ami Horatio qui est tué, et ils font violence à la charmante Bel-Imperia, que j’aimais mieux que le monde entier, parce qu’elle m’aimait mieux que tout le monde !

LA VENGEANCE.

Tu parles de la moisson quand le blé est vert ; la fin est la couronne de toute œuvre bien faite ; la faucille ne vient pas avant que l’épi ne soit mûr. Patience ! avant que je ne t’emmène d’ici, je te montrerai Balthazar dans un mauvais cas.


ACTE TROISIÈME.


Le vice-roi de Portugal, toujours abusé par le rapport mensonger de Villuppo, ordonne de mettre Alexandro à mort, lorsque