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LA TRAGÉDIE AVANT SHAKSPEARE.

La scène change, ou plutôt, sans qu’elle change, nous voici en Portugal. Le vice-roi est en proie au plus vif désespoir. Il déplore la perte de la bataille, et celle plus douloureuse de son fils bien-aimé ; et il se roule par terre, en récitant trois vers latins :


Qui jacet in terra non habet undè cadat :
In me consumpsit vires fortuna nocendo ;
Nil superest ut jam possit obesse magis.


Le vice-roi a près de lui deux conseillers : l’un, Alexandro, seigneur de Terceira, s’efforce de ranimer le courage de son maître, en lui disant que son fils vit encore et qu’il n’est que prisonnier ; — l’autre, Villuppo, profite de cette occasion de perdre un rival, et il accuse Alexandro d’avoir, au fort de la mêlée, tué traîtreusement le prince Balthazar d’un coup de pistolet dans le dos. Le crédule vice-roi fait arrêter, comme de juste, l’honnête homme, et invite le traître à venir recevoir sa récompense.

Après une scène où Bel-Imperia se fait raconter la mort d’Andrea, et après un monologue où elle se confesse à elle-même son nouvel amour pour don Horatio, l’ami du défunt (amour dont notre fantôme ne se formalise en aucune façon, convaincu apparemment que c’est déjà bien assez d’exiger des femmes qu’elles vous soient fidèles de votre vivant, sans que la jalousie vous suive jusque dans la tombe), entre Lorenzo avec le prince Balthazar, qui vient déclarer son amour à notre belle veuve ; mais elle refuse de l’entendre, malgré l’appui qu’il trouve dans Lorenzo, et elle donne devant eux une marque particulière d’estime à Horatio. Puis viennent le roi et l’ambassadeur de Portugal, à qui le roi montre le digne accueil fait au prince prisonnier, et l’acte finit par un banquet et une pantomime, après lesquels ils sortent tous pour se rendre au conseil.


ANDREA

Venons-nous des profondeurs souterraines pour assister aux fêtes de celui qui m’a donné la mort ? Cette joie est chagrin pour mon ame ! Eh quoi ! rien que réjouissances, amour et festins !