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cre et patient, indispensable pour tout négoce, acquirent, avec de petits moyens, de grandes fortunes que leurs fils trop habiles n’ont pas su conserver. Mais la révolution de 91 interrompit le cours de ces prospérités commerciales. Aujourd’hui il n’en existe plus nulle trace dans les petits ports de l’Armorique que la vase encombre chaque jour, et où l’on voit les navires inachevés pourrir sur les cales de construction.

Ainsi, la Basse-Bretagne a vu le temps détruire successivement toutes les relations avantageuses qu’elle avait avec l’étranger. Il ne lui est rien resté de ses anciennes sources de richesses, pas même une guerre avec l’Anglais pour occuper ses corsaires ! Aussi sa marine est-elle anéantie pour long-temps, sinon sans retour. Tout se borne désormais à un commerce intérieur sans importance. Nous en excepterons toutefois celui des chevaux, qui, bien que restreint depuis une dizaine d’années, occasione cependant encore un mouvement de capitaux assez considérable.

On trouve en Basse-Bretagne deux races de chevaux bien distinctes. La première, qui ne fournit que des chevaux de trait lourds, peu élevés, mais robustes, est fort commune dans les plaines, principalement dans le Léonnais et les vallées de Tréguier. La seconde, plus élégante, ne se rencontre guère que dans les montagnes. C’est une race grêle, légère, au poil noir, à l’œil fauve, à peu près semblable à celle qui peuple les pampas de l’Amérique du Sud, et dont se servent les gauchos pour leurs étranges expéditions à travers les déserts. On y reconnaît, au premier coup d’œil, la trace du type arabe, mais avec un germe de dégénérescence sauvage, avec moins de grâce et de fierté. Du reste, à partir du cheval nain de l’île de la Terreur (Ouessant) jusqu’au beau coursier de guerre des pointes de la Coquille (Conquet), cette race subit de grandes variations de taille, de forme et de vigueur, selon les cantons qu’elle habite. Le Morbihan ne fournit presque partout que des chevaux de charbonniers, au poil long et hérissé, dont on méconnaîtrait l’origine sans le regard acéré que dardent leurs yeux perçans, sous leurs crinières rousses. Outre ces deux races, il en est une troisième, produit bâtard et honteux que l’on doit aux soins toujours si éclairés du gouvernement. Elle résulte du croisement des jumens armoricaines et des énormes étalons entretenus dans nos haras. On peut la reconnaître à sa grosse tête bretonne emmanchée d’un long cou normand et soutenue par de maigres jambes anglaises. C’est une race de juste-milieu entre toutes les races existantes, également impropre au trait et à la selle, et dont la présence dans les foires excite un