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REVUE. — CHRONIQUE.

ses réclamations avec une vigueur sans égale, et les termine en disant que si elles ne sont pas écoutées, il se trouvera dans la nécessité de recourir à des mesures que réclament tout à la fois l’intérêt de ses concitoyens, le sentiment de sa propre dignité, et le vœu de l’opinion publique.

On ne peut qu’applaudir à un tel langage ; il est digne de la France, en vérité, et il serait plus beau, plus digne encore, s’il s’adressait au président des États-Unis ou à l’empereur Nicolas ; mais, hélas ! hélas ! le formidable et foudroyant sine qua non de M. le président du conseil est adressé à un demi-canton suisse ! Encore si c’était à un canton tout entier !

Il faut espérer que le canton de Bâle-campagne qui refuse de ratifier l’acquisition d’un domaine, faite sur son territoire par quelques Israélites français, en vertu des traités qui lient la Suisse à la France, écoutera la voix de la raison. Elle parle certainement très haut dans la note diplomatique de M. de Broglie ; mais pour les menaces que cette note renferme, elles ne sauraient beaucoup effrayer LL. EE. les membres du conseil de Bâle-campagne, qui ne craignent pas que la France vienne les envahir. Est-ce bien sérieusement que M. de Broglie menace de frapper d’une interdiction civile, semblable à celle qui pèse sur les Israélites dans cette partie de la Suisse, les divers ressortissans suisses, établis en France, et qui ne professent pas la religion catholique ? Eh quoi ! M. de Broglie, allié de si près à la communion prostestante, oserait proposer aux chambres l’exécution d’une telle mesure ? Ce serait donc en vertu de l’article effacé de la Charte, qui déclarait la religion catholique religion de l’état ? Tout en approuvant la chaleur avec laquelle M. de Broglie défend les intérêts des sujets français, sans distinction de foi, il est impossible de ne pas être frappé des singulières conséquences qui résulteraient de cet acte de tolérance religieuse, si les menaces de M. de Broglie étaient suivies d’effet. Sa philosophie aurait pour résultat l’acte d’intolérance le plus flagrant, et une véritable persécution en matière de foi. Assurément l’expulsion des sujets suisses non catholiques ne pourrait être vue de bon œil en France que par le clergé, et ce serait une mesure bien propre à le concilier au gouvernement qui a déjà tant fait pour lui depuis quelque temps. La lettre de M. de Broglie est ou très mal habile ou bien adroite, selon qu’il a voulu faire un coup de politique intérieure ou un acte de diplomatie étrangère.

M. Guizot, qui n’a pas à s’occuper officiellement des cantons suisses, et qui n’est pas chargé de soutenir la dignité de la France dans les pays étrangers, s’est signalé, pendant cette quinzaine, par un discours