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fluence. Dans un siècle où la toute-puissance politique se concentrait dans le prince, Louis xiv plaça l’un de ses fils à l’Escurial ; Napoléon, par une idée analogue, tenta d’y jeter l’un de ses frères. Aujourd’hui que le gouvernement n’est plus dans les personnes, mais dans les intérêts et dans l’opinion qui les domine, il importe assez peu que le sang de Bourbon cesse de régner en Espagne par l’abolition de la loi salique ; mais il importe beaucoup que le pouvoir s’exerce des deux côtés des Pyrénées selon un même esprit, si ce n’est selon des formes parfaitement identiques. Et à cet égard on peut dire que le pays où la monarchie de 1830 pouvait et devait peut-être, pour sa sûreté et le maintien de l’équilibre européen, exercer la propagande de ses principes, c’était l’Espagne ; car, en bonne politique, l’Espagne, c’est encore la France.

Mais là pas plus qu’ailleurs les circonstances ne manquèrent au gouvernement nouveau. L’avènement d’Isabelle fut celui de la propriété, du crédit et de l’aristocratie mobile aux affaires ; il porta le parti français au pouvoir. Ces intérêts y triompheront en définitive, car, quoique moins fortement organisés que parmi nous, ils sont assez vivaces pour survivre à la débâcle où ils semblent près d’être entraînés ; mais l’abîme est entr’ouvert, il a déjà dévoré trois systèmes et vingt ministres. D’un côté, don Carlos, avec un gouvernement de paysans et de moines, et dont l’entrée à Madrid séparerait de la monarchie les grandes villes commerciales et les provinces du midi, les existences les plus considérables et les capacités les plus éprouvées de la Péninsule ; de l’autre, les hommes de 1820 qui, par philosophie, ont fermé les yeux sur les massacres, qui, par patriotisme, donnent peut-être la main aux égorgeurs : tel est l’avenir que la France a laissé faire à son allié le plus nécessaire, par hésitation ou par imprévoyance.

Ce n’est pas aujourd’hui sans doute qu’un autre système est possible ; le seul devoir, désormais, c’est de ne pas créer par ses insinuations et par d’intempestives répugnances, de plus grands obstacles aux hommes qui osent, au moins, combattre des dangers dont ceux qui seuls pouvaient les prévenir n’ont pas droit de leur demander compte. Comment se sont usées à la peine tant de popularités ? quel motif a développé ce mouvement provincial insaisissable encore dans son principe et dans ses conséquences, qui ressemble de loin à l’élan de tout un peuple, et qui n’est peut-être au fond qu’une trame de sociétés secrètes favorisée par le découragement universel ? Contre quels obstacles se sont brisés les hommes auxquels on donne aujourd’hui de vains éloges après leur avoir refusé des secours efficaces ? N’est-ce pas contre cette guerre de Navarre qu’aucun parti n’a puissance de terminer, où chaque victoire des insur-