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DES PARTIS ET DES ÉCOLES POLITIQUES.

par des frontières, sinon inexpugnables, du moins bien délimitées, son existence commerciale en stipulant le transit par les eaux et les routes aboutissant à l’Allemagne et à la mer. Les premiers protocoles de Londres prouvent que les cabinets, dominés par des nécessités aussi pressantes que celles auxquelles cédait la France, se résignaient à faire de cette constitution une œuvre sérieuse, ce que le roi de Hollande parut se refuser à comprendre dans les premiers temps.

Mais, à cette époque, le Luxembourg lui était formellement réservé, toutes les questions en litige étaient résolues contre les Belges ; il y avait malveillance évidente pour les uns, préférence visible pour les autres.

Cependant les évènemens allaient se développant en Europe ; il devenait chaque jour plus nécessaire de ménager la France et de prévenir des dangers qu’elle n’était pas seule à redouter. Son influence grandit à l’ombre de circonstances habilement exploitées ; elle grandit tout au profit de la Belgique. Il y a loin des protocoles de novembre 1830, qui tranchaient négativement la question du Luxembourg, aux dix-huit articles proposés à l’avènement de Léopold, qui, laissant cette question indécise, la réservaient pour une négociation ultérieure, et donnaient en définitive à la Belgique plus qu’elle ne posséda du temps de Marie-Thérèse et de Joseph ii.

On se plaignit des deux côtés, et cela devait être. Mais ce qui était moins naturel, ce fut que les Belges continuassent à se plaindre après leur désastre d’août. Le roi Guillaume, concevant enfin que, malgré la profonde douleur qu’en éprouvaient personnellement les princes ses parens, leurs ambassadeurs à Londres ne jouaient point aux protocoles, et n’allaient à rien moins qu’à sanctionner la déchéance du roi des Pays-Bas et à faire tout de bon un roi des Belges, entreprit de détruire à lui tout seul cette révolution qui leur faisait si grand’peur et en face de laquelle ils se montraient si faibles. Pendant qu’on verbalisait à Londres, l’armée hollandaise arrivait sans résistance presque aux portes de Bruxelles. Une résolution admirable de hardiesse et de promptitude sauva seule l’Europe d’une guerre imminente et désastreuse ; car une restauration orangiste à Bruxelles, c’était la guerre, et la guerre commençant sous les auspices de la honte. Il est, en effet, des choses dont un gouvernement sage accepte le maintien, mais dont il ne peut permettre le rétablissement, parce qu’alors il en deviendrait complice.

L’intervention de 1831 prépara la paix du monde, le siége d’Anvers la consolida, en montrant que le système était fort, qu’il pouvait se heurter aux murailles sans s’y briser.