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un avantage en manquant aux lois de la conscience, à celles plus étroites encore de la délicatesse. La monarchie de 1830 peut-elle défier sur ce point les investigations de ses ennemis ? Nous le croyons, et nous hésitons d’autant moins à le proclamer, que, séparés sur plusieurs points du système de politique intérieure qui tend à prévaloir, et que placés, d’ailleurs, en dehors du pouvoir et des partis, nous essayons de juger les faits comme s’ils nous arrivaient éteints et amortis à travers les mers ou à travers les siècles.

Quatre groupes distincts de négociations ont occupé l’Europe depuis 1830 : la question belge, les affaires des deux péninsules méridionales, la Pologne et l’Orient.

L’importance de conserver la paix étant admise comme base, l’influence française s’y est-elle exercée dans un sens conforme aux véritables intérêts nationaux ? En agissant selon des circonstances transitoires, mais impérieuses, la France s’est-elle liée les mains pour des circonstances différentes, et le présent compromet-il l’avenir ? Quel sera cet avenir ? comment doit se ménager la transition d’un état de choses accidentel à une situation normale déterminée par la nature des choses ? questions que d’autres résoudront, et qu’on doit se borner à établir ici en les éclairant par quelques aperçus.

De toutes les éventualités que la révolution de juillet avait provoquées, l’insurrection belge était la plus probable et la plus délicate. Dans les derniers jours d’août, un mouvement s’opère à Bruxelles ; mais les vœux populaires consignés à l’hôtel-de-ville ne vont pas alors au-delà de la séparation avec la souveraineté de la maison d’Orange. Cette combinaison servait merveilleusement les vues et les intérêts de la France : elle faisait tomber, sans coup férir, le royaume des Pays-Bas, et la paix générale n’en était pas compromise. On s’explique donc que le cabinet auquel présidait alors M. Laffitte n’ait abandonné cet arrangement qu’après que l’irritation causée par les mesures du roi Guillaume l’eût rendu tout-à-fait impraticable.

C’est en révolution surtout qu’il faut saisir l’instant propice, car alors les jours accumulent les évènemens comme des siècles. Bruxelles attaqué, Anvers mitraillé, le sang avait pour jamais scellé la déchéance des Nassau. L’Angleterre et la France durent le comprendre, l’Europe entière le comprit un peu plus tard, mais enfin elle le comprit.

Que devait dès-lors vouloir le gouvernement français ? Constituer en Belgique un établissement respectable, y fonder un pouvoir qui, par ses relations, pût s’harmonier avec l’Europe ; garantir son existence politique par la reconnaissance des cabinets, son existence territoriale