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M. Laffitte, il sait très bien que ce ministre provoqua les premières conférences de Londres, qu’il fit négocier en Belgique pour le prince d’Orange, qu’il repoussa les offres de réunion comme un attentat contre l’Europe. Où donc est le système politique, s’il n’est là ?

Il est d’une véritable importance d’être bien fixé sur ce point ; il n’y a pas eu depuis 1830 deux systèmes en présence, celui du 2 novembre et celui du 13 mars ; il n’y en a eu qu’un seul, servi par des agens inégaux, non en intelligence, mais en volonté, non en dévouement, mais en courage. De ce qu’un homme a réussi, de ce qu’un autre a échoué, s’ensuit-il qu’ils ne poursuivissent pas le même but ? et n’en conclura-t-on pas seulement que la valeur personnelle reste chose immense même en face d’évènemens immenses aussi ? Ce qui vient d’être dit relativement aux trois premiers cabinets, cesserait d’être vrai si on l’étendait à l’administration actuelle. Le ministère dont M. le duc de Broglie est le chef va, comment en disconvenir ? fort au-delà de la pensée d’ordre matériel poursuivie par Périer. Réintégrer la France dans la communauté européenne, amener le désarmement de l’étranger par celui des factions, ne jamais sortir d’une légalité rigoureuse, et laisser toutes les questions de principe et d’avenir à l’expérience du pays ; telle fut la pensée simple, mais féconde, de l’homme qui prit pour devise : La Charte et la paix. Aujourd’hui des questions nouvelles ont surgi, questions dogmatiques qui touchent à l’ordre moral beaucoup plus qu’aux intérêts matériels, et sur lesquelles Périer eût cru peut-être dangereux, et tout au moins inutile de s’engager.

Était-ce souci du plus pressé, ignorance des besoins intellectuels des peuples, de ce qu’il plaît d’appeler les hautes maximes gouvernementales ? Ne serait-ce pas plutôt instinct admirable de la situation et des limites obligées du pouvoir au sein d’une société telle que la nôtre ? Nous le croyons, pour notre compte, et nous aurons plus tard occasion de défendre une mémoire chère à la France, et des attaques passionnées d’un parti et de la protection tant soit peu dédaigneuse de certains organes de la presse.

Quoi qu’il en soit, que les hommes du 2 novembre ne se séparent pas de ceux du 13 mars, plus heureux continuateurs d’une œuvre commune ; que M. Laffitte ne répudie pas les éloges de l’histoire pour pouvoir signer le compte rendu ; qu’il accepte avec toutes ses conséquences la solidarité de la pensée qui a sauvé la civilisation de la France et celle du monde.

S’il est une mission nationale en même temps qu’européenne, et que des hommes puissent être fiers d’avouer, c’est sans aucun doute cette