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DON JUAN D’AUTRICHE.

ment le rôle de don Juan ; il a exécuté avec une docilité exemplaire la volonté de l’auteur ; il a joué le fils de Charles-Quint en jeune premier, vivement, sans se reposer un instant, comme si l’âge du personnage lui eût prescrit la perpétuité du mouvement ; mais il ne s’est guère inquiété de savoir si M. Delavigne s’était trompé, s’il était au pouvoir de l’acteur de corriger la bévue du poète. Il a obéi, et n’a rien deviné au-delà de son devoir littéral. C’est sans doute par la même raison qu’il n’a pas songé à prendre un costume plus élégant et mieux caractérisé.

Geffroy avait un rôle ingrat entre tous. Le personnage de Philippe ii dans la pièce de M. Delavigne n’est terrible que par son nom ; il ne frappe pas, comme dans Schiller, par la simplicité même de sa cruauté. Il est méchant et il n’est pas roi. Il veut le mal et il s’épuise en efforts pour l’accomplir. Au lieu de commander d’un geste ou d’un sourire, il déploie une pompe de colère qui ne signifie que l’impuissance. Il convoque autour de lui le tribunal entier de l’inquisition, et il oublie que l’inquisition lui est dévouée ; il s’agite et se multiplie comme s’il n’avait pas d’autre force que son énergie personnelle. Ce n’est pas ainsi que se conduisent les rois absolus. À quoi leur servirait la terreur qu’ils inspirent, si elle ne les dispensait pas de l’action, et si toute leur vie ne se réduisait pas à la seule volonté ? C’est pourquoi il y aurait de l’injustice à juger sévèrement Geffroy dans le rôle de Philippe ii. Il aurait pu sans doute atténuer par son débit la monotonie odieuse du personnage qu’il représentait. Il aurait pu mettre plus d’élégance dans ses attitudes et gouverner plus habilement sa voix. Car les rois, obéis sur un signe de tête, ne sont pas habitués à parler aussi haut qu’un chef d’escadron ; et même dans la colère, quand ils ne sont pas sans témoins, ils craignent de se dégrader en élevant la voix. — Le costume de Geffroy était beau.

Ligier, chargé du rôle de Charles-Quint, a eu le tort, assez grave selon moi, de le jeter dans le même moule que Louis xi. Or, entre le vainqueur de Pavie et le prisonnier de Péronne, on m’accordera bien qu’il y a quelque différence. Il y avait dans Charles-Quint comme dans Louis xi du renard et du chat. Mais quand la ruse était épuisée, quand les négociations étaient à bout, le renard