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confident et pour auxiliaire, sans lui demander ses titres, si Charles-Quint, car c’est lui, ne venait en personne réconcilier son fils légitime et son fils naturel, le roi Philippe ii et le futur vainqueur de Lépante.

Voilà le don Juan d’Autriche de M. Delavigne, ingénu, brave, docile, crédule, tolérant, jetant à la tête du premier venu son amour et ses espérances. Pour dessiner ce caractère, je n’ai pu me dispenser d’indiquer sommairement toute la conduite de la pièce, car il occupe à lui seul le tiers au moins de l’action ; mais Philippe ii et Charles-Quint seraient mal connus s’ils n’étaient envisagés séparément.

Philippe ii quitte la cour pour interroger son frère ; et, pour mieux se déguiser sans doute, il se présente sous un nom qui n’a jamais retenti en Espagne, et qui n’appartient ni à la Castille ni à l’Aragon, sous le nom de Santa-Fiore. Pour peu que don Juan connaisse sa langue, il doit prendre le nouveau venu pour un étranger, car il ne peut soupçonner le roi d’Espagne de porter un nom aussi barbare à Madrid qu’à Florence. Ce Philippe ii, si heureusement baptisé sans doute par quelque prisonnier de Pavie, aime aussi dona Florinde, et il ignore, comme don Juan, la religion et la famille de celle qu’il aime. De la part d’un roi tel que Philippe ii, l’étourderie est surprenante. Quand il veut chasser son rival, au lieu de dire : Je suis le roi, ou d’appeler ses gardes sans se nommer, il se laisse insulter avec la longanimité d’un saint. C’est assurément une grande vertu dans le maître des Espagnes et des Indes. Il envoie son frère dans un couvent, et il surveille si mal l’exécution de ses ordres, que don Juan se rend précisément au couvent de Charles-Quint. Il paraît qu’à cette époque un roi absolu n’était pas obéi aussi bien qu’un préfet de police de nos jours. Il retrouve don Juan chez dona Florinde, et il ne songe pas à lui demander compte de sa fuite. Il porte la main sur dona Florinde, et quand il apprend qu’elle est juive, il la désire avec plus d’ardeur encore. Lui, roi d’Espagne, il se jette aux genoux d’une juive, aux genoux d’une femme qui périrait s’il disait un mot. Il implore la merci d’une proscrite dont la vie est entre ses mains. Pas un historien encore n’avait indiqué dans la vie de Philippe ii les élémens de cet épisode romanesque. Le roi se trouve