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DON JUAN D’AUTRICHE.

à la curiosité ou à l’appétit, nous pensons que ces avides indolences n’ont rien à démêler avec la critique, et ce n’est pas pour eux que nous écrivons.

Dans la comédie de M. Delavigne, don Juan d’Autriche est amoureux d’une jeune fille dont il ne connaît ni le vrai nom, ni la famille. Il ne rêve qu’aux moyens de la voir, de lui parler, de passer à ses genoux des heures enivrées ; il trompe la surveillance de son gouverneur, il gagne les gardiens chargés d’épier ses démarches, s’échappe à la dérobée, et ne conçoit pas une plus digne ambition que d’épouser sa maîtresse. Quand celui qu’il appelle son père, et qui n’est que son tuteur, lui propose d’entrer dans l’église et lui montre dans un avenir prochain le chapeau de cardinal, don Juan n’hésite pas à déclarer son amour. En présence du roi d’Espagne qui se donne pour un seigneur de la cour, il renouvelle son aveu ; il ne demande qu’une épée pour illustrer son nom et mériter par son courage la main de sa maîtresse. Celle qu’il aime est juive, il l’apprend d’elle-même, et, avec la sérénité d’un ami de Mme Geoffrin, il se résigne à cette mésaventure comme s’il s’agissait simplement d’un papier perdu. Surpris par le grand seigneur auquel il s’est confié si ingénuement, sommé de sortir et de ne plus reparaître dans la maison de dona Florinde, il ne se demande pas pourquoi elle s’est enfuie à la seule vue de ce mystérieux personnage ; il la suit en défiant la colère de son rival. Conduit au couvent par l’ordre du roi, il déchire sa robe de novice ; il raconte pour la troisième fois son amour au moine qui le reçoit, et au novice qui essaie de le consoler ; grâce à l’intervention de ses deux nouveaux amis, il réussit à sortir du couvent et retourne chez sa maîtresse. Elle est absente lorsqu’il arrive ; avec une docilité vraiment exemplaire, sur les instances de la duenna, il se cache pour l’attendre et se laisse enfermer. Bientôt dona Florinde, aux prises avec Philippe ii, qui n’est autre que le comte de Santa-Fiore, appelle au secours. Don Juan le provoque, et l’attaquerait sur l’heure, si dona Florinde ne lui criait : Arrêtez, c’est le roi. Or, il a promis au couvent de ne jamais se servir de son épée contre Philippe ii. Cependant il n’en serait pas quitte pour un sermon et irait sans aucun doute achever ses jours dans une prison d’état, si le moine auquel il doit sa liberté, celui qu’il a pris pour