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REVUE DES DEUX MONDES.

FORTUNIO.

Ah ! Jacqueline ! Jacqueline ! il faut que vous l’aimiez beaucoup ; il doit vous en coûter de mentir et de railler ainsi sans pitié.

JACQUELINE.

Moi ? je vous raille ? Qui vous l’a dit ?

FORTUNIO.

Je vous en supplie, ne mentez pas davantage ; en voilà assez ; je sais tout.

JACQUELINE.

Mais enfin, qu’est-ce que vous savez ?

FORTUNIO.

J’étais hier dans votre chambre lorsque Clavaroche était là.

JACQUELINE.

Est-ce possible ? Vous étiez dans l’alcôve ?

FORTUNIO.

Oui, j’y étais ; au nom du ciel, ne dites pas un mot là-dessus.

(Un silence.)
JACQUELINE.

Puisque vous savez tout, monsieur, il ne me reste maintenant qu’à vous prier de garder le silence. Je sens assez mes torts envers vous pour ne pas même vouloir tenter de les affaiblir à vos yeux. Ce que la nécessité commande, et ce à quoi elle peut entraîner, un autre que vous le comprendrait peut-être, et pourrait, sinon pardonner, du moins excuser ma conduite. Mais vous êtes, malheureusement, une partie trop intéressée pour en juger avec indulgence. Je suis résignée et j’attends.

FORTUNIO.

N’ayez aucune espèce de crainte. Si je fais rien qui puisse vous nuire, je me coupe cette main-là.

JACQUELINE.

Il me suffit de votre parole, et je n’ai pas droit d’en douter. Je dois même dire que, si vous l’oubliiez, j’aurais encore moins le droit de m’en plaindre. Mon imprudence doit porter sa peine. C’est sans vous connaître, monsieur, que je me suis adressée à vous. Si cette circonstance rend ma faute moindre, elle rendait mon danger plus grand. Puisque je m’y suis exposée, traitez-moi donc comme vous l’entendrez. Quelques paroles échangées hier voudraient peut-être une explication. Ne pouvant tout justifier, j’aime mieux me taire sur tout. Laissez-moi