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REVUE DES DEUX MONDES.


Scène III.

Une chambre.
JACQUELINE, seule.

Non, cela ne se fera pas. Qui sait ce qu’un homme comme maître André, une fois poussé à la violence, peut inventer pour se venger ? Je n’enverrai pas ce jeune homme à un péril aussi affreux. Ce Clavaroche est sans pitié ; tout est pour lui champ de bataille, et il n’a d’entrailles pour rien. À quoi bon exposer Fortunio, lorsqu’il n’y a rien de si simple que de n’exposer ni soi ni personne ? Je veux croire que tout soupçon s’évanouirait par ce moyen ; mais le moyen lui-même est un mal, et je ne veux pas l’employer. Non, cela me coûte et me déplaît ; je ne veux pas que ce garçon soit maltraité ; puisqu’il dit qu’il m’aime, eh bien ! soit. Je ne rends pas le mal pour le bien.

(Entre Fortunio.)

On a dû vous remettre un billet de ma part ; l’avez-vous lu ?

FORTUNIO.

On me l’a remis, et je l’ai lu ; vous pouvez disposer de moi.

FORTUNIO.

C’est inutile, j’ai changé d’avis, déchirez-le, et n’en parlons jamais.

FORTUNIO.

Puis-je vous servir en quelque autre chose ?

JACQUELIENE, à part.

C’est singulier, il n’insiste pas. (Haut.) Mais non ; je n’ai pas besoin de vous. Je vous avais demandé votre chanson.

FORTUNIO.

La voilà. Sont-ce tous vos ordres ?

JACQUELINE.

Oui ; je crois qu’oui. Qu’avez-vous donc ? Vous êtes pâle, ce me semble.

FORTUNIO.

Si ma présence vous est inutile, permettez-moi de me retirer.

JACQUELINE.

Je l’aime beaucoup, cette chanson ; elle a un petit air naïf qui va avec votre coiffure, et elle est bien faite par vous.

FORTUNIO.

Vous avez beaucoup d’indulgence.