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REVUE DES DEUX MONDES.

FORTUNIO.

Une entreprise pleine de crainte, pleine de misère et d’espérance. Je ne sais si je vis ou si je meurs ; comment j’ai osé vous parler, je n’en sais rien. Ma raison est perdue ; j’aime, je souffre ; il faut que vous le sachiez, que vous le voyiez, que vous me plaigniez.

JACQUELINE.

Ne va-t-il pas rester là une heure, ce méchant enfant obstiné ? Allons, levez-vous, je le veux.

FORTUNIO, se levant.

Vous croyez donc à mon amour ?

JACQUELINE.

Non, je n’y crois pas ; cela m’arrange de n’y pas croire.

FORTUNIO.

C’est impossible ! vous n’en pouvez douter.

JACQUELINE.

Bah ! on ne se prend pas si vite à trois mots de galanterie.

FORTUNIO.

De grâce ! jetez les yeux sur moi. Qui m’aurait appris à tromper ? Je suis un enfant né d’hier, et je n’ai jamais aimé personne, si ce n’est vous qui l’ignoriez.

JACQUELINE.

Vous faites la cour aux grisettes, je le sais comme si je l’avais vu.

FORTUNIO.

Vous vous moquez. Qui a pu vous le dire ?

JACQUELINE.

Oui, oui, vous allez à la danse et aux dîners sur le gazon.

FORTUNIO.

Avec mes amis, le dimanche. Quel mal y a-t-il à cela ?

JACQUELINE.

Je vous l’ai déjà dit hier ; cela se conçoit ; vous êtes jeune, et à l’âge où le cœur est riche, on n’a pas les lèvres avares.

FORTUNIO.

Que faut-il faire pour vous convaincre ? Je vous en prie, dites-le moi.

JACQUELINE.

Vous demandez un joli conseil. Eh bien ! il faudrait le prouver.

FORTUNIO.

Seigneur mon Dieu, je n’ai que des larmes. Les larmes prouvent-