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REVUE DES DEUX MONDES.

LA SERVANTE.

Oh ! que non. C’est M. Landry, un grand flandrin qui ne sait que dire.

JACQUELINE.

C’est donc cet autre qui écrit ?

LA SERVANTE.

Nenni, nenni ; c’est M. Guillaume, un honnête garçon bien rangé ; mais ses cheveux ne frisent guère, et ça fait pitié le dimanche, quand il veut se mettre à danser.

JACQUELINE.

De qui veux-tu donc parler ? je ne crois pas qu’il y en ait d’autres que ceux-là dans l’étude.

LA SERVANTE.

Vous ne voyez pas à la fenêtre ce jeune homme propre et bien peigné ? Tenez, le voilà qui se penche ; c’est le petit Fortunio.

JACQUELINE.

Oui-dà, je le vois maintenant. Il n’est pas mal tourné, ma foi, avec ses cheveux sur l’oreille, et son petit air innocent. Prenez garde à vous, Madelon, ces anges-là font déchoir les filles. Et il fait la cour aux grisettes, ce monsieur-là avec ses yeux bleus ? Eh bien ! Madelon, il ne faut pas pour cela baisser les vôtres d’un air si renchéri. Vraiment, on peut moins bien choisir. Il sait donc que dire, celui-là, et il a un maître à danser ?

LA SERVANTE.

Révérence parler, madame, si je le croyais amoureux ici, ce ne serait pas de si peu de chose. Si vous aviez tourné la tête, quand vous passiez dans le quinconce, vous l’auriez vu plus d’une fois, les bras croisés, la plume à l’oreille, vous regarder tant qu’il pouvait.

JACQUELINE.

Plaisantez-vous, mademoiselle, et pensez-vous à qui vous parlez ?

LA SERVANTE.

Un chien regarde bien un évêque, et il y en a qui disent que l’évêque n’est pas fâché d’être regardé du chien. Il n’est pas si sot, ce garçon, et son père est un riche orfèvre. Je ne crois pas qu’il y ait d’injure à regarder passer les gens.

JACQUELINE.

Qui vous a dit que c’est moi qu’il regarde ? Il ne vous a pas, j’imagine, fait de confidences là-dessus.