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REVUE DES DEUX MONDES.

JACQUELINE.

Eh bien ! voyons ! que ferons-nous ?

CLAVAROCHE.

Bon ! il n’y a rien de si facile.

JACQUELINE.

Mais encore ?

CLAVAROCHE.

Je n’en sais rien ; mais rien n’est plus aisé. M’en croyez-vous à ma première affaire ? Je suis rompu ; donnez-moi un verre d’eau.

JACQUELINE.

Je crois que le meilleur parti serait de nous voir à la ferme.

CLAVAROCHE.

Que ces maris, quand ils s’éveillent, sont d’incommodes animaux ! Voilà un uniforme dans un joli état, et je serai beau à la parade ! (Il boit.) Avez-vous une brosse ici ? Le diable m’emporte, avec cette poussière, il m’a fallu un courage d’enfer pour m’empêcher d’éternuer.

JACQUELINE.

Voilà ma toilette, prenez ce qu’il vous faut.

CLAVAROCHE, se brossant la tête.

À quoi bon aller à la ferme ? Votre mari est, à tout prendre, d’assez douce composition. Est-ce que c’est une habitude que ces apparitions nocturnes ?

JACQUELINE.

Non, Dieu merci ! J’en suis encore tremblante. Mais songez donc qu’avec les idées qu’il a maintenant dans la tête, tous les soupçons vont tomber sur vous.

CLAVAROCHE.

Pourquoi sur moi ?

JACQUELINE.

Pourquoi ? Mais… je ne sais… il me semble que cela doit être ; tenez, Clavaroche, la vérité est une chose étrange, elle a quelque chose des spectres ; on la pressent sans la toucher.

CLAVAROCHE, ajustant son uniforme.

Bah ! ce sont les grands parens et les juges de paix qui disent que tout se sait. Ils ont pour cela une bonne raison, c’est que tout ce qui ne se sait pas, s’ignore, et par conséquent n’existe pas. J’ai l’air de dire une bêtise ; réfléchissez, vous verrez que c’est vrai.