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REVUE. — CHRONIQUE.

ment dans la route qu’il s’est ouverte, le parti légitimiste pourra se jeter sans scrupule tout entier dans ses bras ; il n’aura pas besoin de renoncer à ses doctrines politiques, à peine manquera-t-il un seul point au système auquel il se rattache.

Aussi fait-on grâce aux condamnés de l’ouest, jugés pour fait de guerre civile dans la Vendée ; acte de clémence que, loin de le blâmer, nous voudrions voir s’étendre à d’autres coupables. Mais pendant ce temps, on demande aux gouvernemens étrangers l’extradition des détenus d’avril évadés de Sainte-Pélagie ; et comme les traités d’extradition ne s’étendent pas au crime de révolte, on les réclame, ces malheureux, en les accusant d’être complices de Fieschi ! Il nous répugne de qualifier un pareil fait ; mais il suffit de le livrer à la pensée publique, pour qu’il soit apprécié dignement.

On pourrait tout aussi bien accuser M. de Chantelauze, M. de Peyronnet et M. de Guernon-Ranville de complicité avec Fieschi. Le parti légitimiste ne se trouvait-il pas compromis dans l’attentat aussi bien que le parti républicain ? Les ministres de Charles x sont aussi libres au fond de leur prison que l’étaient les détenus d’avril à Sainte-Pélagie, et l’accusation serait aussi plausible. Heureusement, le vent de la faveur souffle aujourd’hui du côté de Ham ; heureusement, disons-nous, car les malheureux prisonniers ont grand besoin, dit-on, d’un relâchement de rigueur. M. de Guernon-Ranville est menacé d’un coup de sang ; M. de Chantelauze, l’esprit troublé par une longue captivité, demande les soins les plus attentifs de la médecine, et M. de Peyronnet succombe, sans se plaindre, sans murmurer, sous le poids de ses souffrances. Depuis trois ans, M. de Peyronnet n’a pas quitté la chambre étroite qu’il occupe ; livré à de sérieux travaux, il n’a pas eu une seule de ces paisibles distractions si nécessaires après le travail ; il n’a pas vu le ciel ; il n’a pas respiré l’air, même sur la terrasse de sa prison ; il n’a rien voulu devoir à ceux qui le gardent et à ceux qui l’ont jugé coupable, et il mourra plutôt que de solliciter un moment de répit. Sans doute, M. de Peyronnet a mérité la prison qui le frappe, lui qui était chargé de garder la Charte, et qui l’a déchirée ; mais la peine a été bien longue : bien des choses se sont passées depuis que M. de Peyronnet n’est plus garde-des-sceaux ; bien des circonstances se sont produites qui ont diminué le souvenir de son crime ! Allons, M. Persil, un peu d’indulgence pour M. de Peyronnet, qui s’est cru obligé de sortir de la Charte, et qui, à la vérité, avait mal pris son temps. Mais n’importe, nous n’en appelons pas moins à vous, M. Persil.