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ÉTUDES DE L’ANTIQUITÉ.

aux dieux par la grande intelligence et la grande vertu. Seulement les hommes ignorent à quelle heure, dans la nuit ou dans le jour, sera suspendue leur course à travers la vie. »

A-t-on jamais, avec une énergie plus lucide et plus concise, fait entrevoir le dogme philosophique de l’identité de la nature humaine et de la nature divine ? Ainsi, dans les vers de Pindare, repose comme dans un sanctuaire sacré le panthéisme idéaliste, inspiration éternelle des pensées et des religions de l’humanité.

Les prédilections de Pindare appartiennent tout entières aux anciennes races et aux illustrations aristocratiques. Il aime les cours d’Agrigente et de Syracuse, parce qu’il y voit des rois qui lui représentent les anciens héros menant une vie glorieuse et fortunée au milieu des festins et des chants des poètes. Il ne sait rien de plus beau qu’une noblesse antique rehaussant une vertu personnelle. Ainsi il célèbre la race d’Alcidamas d’Égine, qui, semblable aux bonnes terres, produit des héros d’intervalle en intervalle[1]. Le souvenir des jours héroïques de la Grèce est toujours debout dans les odes de Pindare, et protége de son ombre les noms des athlètes victorieux. Il est clair que le gouvernement aristocratique inclinant à la royauté paraît à notre poète le meilleur. « Dans tout état, dit-il dans la seconde pythique, l’homme qui se sert vertueusement de la parole est utile et supérieur, sous un roi, sous le régime populaire, soit enfin sous le gouvernement des sages. Mais il ne faut jamais disputer contre Dieu, qui à son gré élève les hommes et les glorifie. » La démocratie florissait sous les yeux de Pindare comme une brillante nouveauté, il ne pouvait la méconnaître ; mais la grandeur du passé attirait à elle seule son enthousiasme et son amour.

Dans ce qui nous reste du poète, pas un cri de triomphe vraiment digne des victoires de la Grèce. Après Salamine, voici tout ce que dit Pindare : « affranchis aujourd’hui de grandes calamités, ne privons pas de couronnes ceux qui les méritent, et ne tombons pas dans d’inutiles regrets. Mais puisque nos maux ont trouvé leur fin, permettons quelque douceur à nos chants après tant d’amertume. Un dieu a détourné de nos têtes ce rocher de Tantale, poids

  1. Sixième néméenne.