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les fastes et les souvenirs helléniques. Mais il est temps de considérer de près les mérites et les vertus de notre poète. Comme il nous est arrivé de dissiper par ses héroïques chants quelques-unes de ces langueurs qui se glissent quelquefois dans l’ame, et de puiser dans son divin commerce enthousiasme et courage, nous voudrions, par une juste reconnaissance, inspirer à d’autres le sentiment et l’amour de cette éclatante poésie.

Le temps était venu pour la Grèce de commencer à sentir son unité, à s’en glorifier, à s’en réjouir. Déjà, avant les guerres contre les Perses, les Athéniens avaient déployé toute leur énergie pour conserver intacte l’amphictyonie de Delphes, centre nécessaire et sacré de la confédération hellénique. Les habitans de Crissa avaient mis au pillage le temple d’Apollon, et ils en empêchaient l’accès par leurs déportemens. La ruine de Crissa fut résolue ; Solon la demanda hautement et fit consacrer à Apollon toutes les terres qui s’étendaient jusqu’au golfe de Corinthe. Ce grand homme ne pouvait rien tolérer de ce qui menaçait l’unité naissante de la Grèce. C’est dans ces dispositions communes à tous les nobles esprits de ce beau siècle que les convenances heureuses du temps et de l’histoire placèrent dans la Béotie un poète qui devait concourir à la patriotique harmonie des nations de l’Hellade. Entre Sparte et Athènes, la Béotie, que le mont Cithéron sépare seul de l’Attique, offrait comme une région intermédiaire aux différences hostiles qui exaspéraient l’une contre l’autre les villes de Lycurgue et de Thésée. Thèbes, dans son gouvernement, était toujours partagée entre l’aristocratie Spartiate et la démocratie athénienne ; toutefois, elle inclinait davantage à la politique dorienne.

Suivant une conduite analogue, son poète Pindare est Dorien par ses inspirations et ses sympathies, mais en même temps il est l’homme et le chantre de la Grèce entière : il a conçu la hauteur et l’étendue de son ministère et de son devoir. À mesure que les vainqueurs aux jeux solennels viennent désigner à ses chants la ville qui les a vus naître, Pindare mêle l’éloge de l’athlète à celle de sa patrie, et il en raconte, avec une complaisante impartialité, les illustres origines. Ainsi, il célèbre tour à tour Rhodes, Égine, Opunte, Locre, Corinthe, Athènes, Cyrène, Lacédémone,