cri et le témoignage de sa grandeur personnelle. Sublime dialogue que les rapports d’un grand artiste et d’un grand siècle ! Les actions sont belles, les paroles aussi ; dans les héros vivans, les statues et les toiles trouvent une noble matière ; idées, chants, gestes et monumens, tout aboutit à cette harmonie sociale, mère de la félicité commune et du bonheur de chacun ; car alors, non seulement l’état est prospère et réglé, mais l’homme est heureux et fort. On vit tant par soi que par les autres ; on respire sympathiquement ; l’artiste travaille à sa gloire et aux jouissances de tous, non pas sans fatigue, mais sans amertume, et, prêtre de l’intelligence, du génie, de la beauté, il trouve, sous la protection de ses dieux, d’inviolables honneurs. Pindare fut un de ces hommes prédestinés à l’union du bonheur et de l’immortalité.
La Grèce éclatait dans sa jeunesse et dans sa force. La Dorienne Sparte avait mis ses mœurs et ses coutumes sous le joug d’une loi systématique et dure ; forte par la discipline de sa législation qui embrassait à la fois l’état et la famille, elle s’était encore affermie par la guerre. On dirait que, par ses luttes contre la Messénie et les Argiens, elle voulait aiguiser les armes qui devaient triompher à Platée. Athènes, après les essais et les réformes tentées par Dracon, Cylon, Épiménide, avait avec Solon établi une démocratie modérée que les Pisistratides ne purent renverser, que Clisthènes sauva des entreprises d’Isagoras ; et pendant le travail même de sa constitution politique, elle savait résister aux Spartiates, aux Béotiens, aux Éginètes ; admirable union de la guerre et de la liberté ! Cependant le reste de la Grèce s’élevait aussi par une émulation glorieuse. Égine égalait la puissance maritime d’Athènes qui ne conquit qu’à Salamine sa supériorité ; Corcyre rivalisait avec Égine ; Corinthe était pour ainsi dire la Phénicie de la Grèce ; elle envoyait partout des vaisseaux et des colonies, et savait satisfaire aux jouissances et au luxe de l’Europe et de l’Asie. Les prospérités du Péloponnèse n’étaient pas moins réelles ; les hommes d’Argos et d’Arcadie étaient puissans ; entre le Péloponnèse et l’Attique, Thèbes ne florissait pas médiocrement, et de l’extrémité septentrionale de l’Hellade la cavalerie thessalienne pouvait arriver au secours de la patrie commune avec une invincible impétuosité.