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SCIENCES NATURELLES.

Le mercredi 15 octobre 1834, on lut à l’Académie des sciences une lettre d’un M. Marmier, qui disait qu’au mois d’août, parcourant une grande route du département de Seine-et-Oise, il avait observé une partie de ce chemin couverte d’une multitude de petits crapauds de la grosseur d’un haricot, quoiqu’un quart d’heure auparavant il n’en eût vu aucun sur ce même point de la route ; il ne doutait point qu’ils ne fussent tombés du ciel avec une forte pluie qui était survenue dans l’intervalle.

M. Dumeril fit remarquer à cette occasion que rien ne prouvait que ces crapauds fussent tombés d’en haut, et qu’il était au contraire infiniment probable qu’ils étaient sortis des crevasses de la terre pour venir chercher l’humidité à la surface. Il ajouta que presque toutes les histoires de pluies de crapauds ne reposent pas sur des fondemens plus solides, et que tous ces faits si étranges sont maintenant appréciés à leur juste valeur par ceux qui connaissent les habitudes des batraciens.

À la demande de plusieurs membres de l’Académie, M. Dumeril promit de développer ces réflexions dans un rapport sur la lettre de M. Marmier.

Il fit en effet ce rapport dans la séance suivante, et appuyant l’opinion qu’il avait émise de celle de Redi et de quelques autres bons observateurs, il fit voir que dans un grand nombre de cas on avait pu se tromper sur l’origine des petits batraciens qu’on voyait fourmiller à la surface du sol. Il rapporta de plus deux exemples de ces apparitions subites dont il avait été témoin lui-même, une fois en Picardie, dans des marais aux environs d’Amiens, l’autre en Espagne dans des prairies à quelques pas de Marbella. Pour cette dernière, ajouta-t-il, M. Desgenettes pourra peut-être se la rappeler.

Dans son rapport, M. Dumeril soutenait l’opinion qui lui paraissait la mieux fondée, mais il était loin de vouloir la faire prévaloir en dissimulant les faits qui y pouvaient paraître contraires ; aussi donna-t-il, immédiatement après, communication d’une lettre qui lui avait été adressée à ce sujet par une dame de ses clientes, quoiqu’elle semblât fournir un très fort argument contre les conclusions qu’il avait prises.

« En septembre 1804, dit cette dame, je chassais avec mon mari dans le parc du château d’Oignois (près de Senlis), que nous habitions ; il était environ midi lorsque le tonnerre gronda fortement, et tout à coup le jour fut obscurci par un énorme nuage noir. Nous nous acheminâmes de suite vers le château, dont nous étions encore assez éloignés ; un coup de tonnerre d’une force extraordinaire rompit le nuage qui versa sur nous un torrent de crapauds mêlés d’un peu de pluie. Cette pluie me parut durer fort long-temps ; cependant, en y réfléchissant depuis, je suis à peu près certaine qu’elle a continué moins d’un quart d’heure. »