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SCIENCES NATURELLES.

Cette huile, dont l’odeur est très prononcée, doit être prise sur-le-champ par le malade ; les crapauds, assure-t-on, ne l’auront pas plus tôt sentie, qu’ils s’empresseront de fuir du côté opposé, pensant avoir déjà l’ennemi à leurs trousses.

C’est Gesner qui donne cette recette d’après un manuscrit allemand. Gesner croyait possible que des batraciens vécussent dans l’estomac d’un homme. Il n’admettait pas qu’ils y naquissent spontanément ; mais il croyait que des œufs, déposés dans l’eau d’un marais, pouvaient être avalés par mégarde, et éclore ensuite dans les intestins.

On a prétendu que des femmes avaient vu quelquefois se développer dans leur sein, au lieu d’un enfant, un crapaud ; et dans le temps, où l’on croyait aux incubes, on pensait généralement que ces enfantemens monstrueux indiquaient un commerce de la mère avec le démon. Tous les crapauds, quelle que fut leur origine, étaient propres à figurer dans les opérations magiques ; mais ceux dont nous parlons y convenaient plus particulièrement à raison de la parenté présumée. Cependant les sorciers qui voulaient les faire entrer dans des charmes très puissans, cherchaient à augmenter leurs facultés malfaisantes en les rendant l’objet des plus horribles profanations qu’ils pouvaient inventer. Comme échantillon de ce que ces misérables insensés souhaitaient faire, je donnerai l’histoire suivante que j’ai trouvée dans Paullini.

Un prêtre, qui voulait se venger d’un gentilhomme, alla consulter une sorcière sur les moyens d’y parvenir. Celle-ci lui montra un crapaud qui était né, disait-elle, d’un commerce diabolique, et qu’elle conservait dans un vase de terre ; par son conseil, le prêtre baptisa le crapaud à la manière ordinaire, puis lui donna à dévorer une hostie consacrée ; l’animal, après cela, fut brûlé vif. Les cendres, soigneusement recueillies, furent répandues sur un mets qu’on servit à la table du gentilhomme, ce qui le fit périr lui et toute sa famille. Il semble qu’on eût pu se procurer, par des moyens beaucoup plus simples, un poison qui eût produit le même effet.

Bodin, dans sa Démonomanie des Sorciers, cite des histoires toutes semblables, et donne pour garans Monstrelet et Froissart. « Pendant que j’escrivois ceci, ajoute-t-il, on m’advertit qu’une femme enfanta d’un crapaut près de la ville de Laon. De quoi la sage-femme estonnée, et celles qui assistèrent à l’enfantement déposèrent, et fut apporté le crapaut au logis du prevost, que plusieurs ont veu différent des autres. »

Voilà une sorte d’information juridique, et de laquelle, il résulte que ce prétendu crapaud était différent des autres. Ce n’était évidemment qu’un fœtus acéphale venu avant terme, et qui peut-être, mort depuis