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SCIENCES NATURELLES.

decin allemand du xviie siècle, assure dans son Isagoge Physico-medico-magica, qu’on en obtient aussi sûrement en faisant digérer pendant un mois à une chaleur convenable des œufs de canard ; il affirme avoir répété mainte fois cette expérience et toujours avec un plein succès.

S’il était autrefois généralement admis que dans des circonstances particulières, il pouvait se former des crapauds dans un corps mort ; on ne doutait pas non plus qu’il ne s’en développât quelquefois dans l’intérieur d’un corps vivant, et il y avait à l’appui de cette opinion un grand nombre d’histoires dont quelques-unes portaient tous les signes de l’authenticité. Des gens d’un caractère irréprochable affirmaient en avoir rejeté par les selles ou par les vomissemens, et je ne doute pas qu’ils ne crussent dire la vérité.

On sait que l’hypochondrie, lorsqu’elle est portée à un haut degré, touche de bien près à l’aliénation mentale. Le malheureux qui en est tourmenté voit la société, la nature entière conjurée contre lui ; qu’il ait songé une fois à un évènement qui pourrait lui devenir contraire, quelque improbable que soit la chose, il la supposera possible, et bientôt la croira certaine.

Ces folles imaginations qui varient suivant les individus, ne sont pas, comme le supposent quelquefois les personnes étrangères à la médecine, les seuls symptômes de l’hypochondrie. La maladie a des symptômes physiques qui tiennent plus directement à sa cause, et qui sont toujours à peu près les mêmes ; tels sont un sentiment de pesanteur au-dessous des côtes et à la région de l’estomac, des mouvemens tumultueux dans cette partie, des douleurs comme celles qui résulteraient d’égratignures à l’intérieur des viscères, enfin souvent des bruits singuliers, et qui quelquefois ressemblent assez bien au coassement d’une grenouille ou d’un crapaud. Il ne faudra donc pas grand effort au pauvre malade pour qu’il se persuade avoir une légion de ces animaux dans l’estomac. Il ne manquera pas d’argumens pour le prouver à ceux qui l’entourent, et il réussira quelquefois à les convaincre. « S’il se développe des vers dans l’intérieur de notre corps, dira-t-il, pourquoi ne s’y développerait il pas des grenouilles ? Lorsque vous entendez un coassement sortir d’un marais, vous n’avez pas besoin de voir l’animal, et vous savez quelle est la cause du bruit ; pourquoi voulez-vous chercher une autre cause pour le croassement qui sort de mon corps ? Non-seulement vous entendez ces grenouilles, mais vous pouvez presque les toucher ; placez la main sur mon côté, vous verrez qu’en ce moment même elles s’agitent. Il y a quelque chose pourtant que vous ne sentirez pas et que moi je sens constamment, c’est le déchirement de mes entrailles par leurs ongles aigus. »