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SCIENCES NATURELLES.

culation, piqua un poulet avec une lancette dont la pointe avait été chargée de l’humeur laiteuse. Il n’en résulta aucun accident ; nous avons dit qu’une expérience semblable faite sur un animal plus petit avait réussi, mais une fois seulement : la question mériterait d’être examinée de nouveau.

Davy trouva le principe vénéneux non-seulement dans la liqueur des pustules, mais encore dans le fluide visqueux qui enduit la langue, et même dans le sang, quoique en très petite quantité. Le célèbre chimiste croit pouvoir attribuer à cette sécrétion un double usage. D’abord elle peut servir à protéger, contre les attaques des carnassiers, l’animal qui du reste trouve déjà une défense dans l’épaisseur de sa peau[1]. En second lieu, comme le fluide est très inflammable, on peut le regarder comme une excrétion par le moyen de laquelle le sang se décarbonise. L’appareil glanduleux serait ainsi un auxiliaire du poumon, et en effet, Davy a remarqué qu’il reçoit un rameau considérable des artères pulmonaires. Le docteur Edwards avait déjà prouvé, par d’autres considérations, que la peau chez les batraciens est un organe respiratoire ; les deux observations s’appuient donc mutuellement.

Quoique chez les Romains le crapaud fut considéré comme un être malfaisant, on tenait pour bon augure d’en rencontrer un dans son chemin. Il paraîtrait que nos ancêtres les Francs avaient la même opinion, puisqu’au rapport de plusieurs historiens, leur étendard portait originairement trois crapauds noirs sur champ d’azur. Clovis commença par les avoir d’or ; puis, après sa conversion à la religion chrétienne, il y substitua les fleurs de lis.

S’il est vrai que le conquérant, en changeant de croyance, ait cru devoir changer d’armes, il l’a fait sans doute pour ne pas blesser les préjugés religieux de ses nouveaux sujets. Le crapaud, en effet, non-seulement entrait dans beaucoup de maléfices, mais il était fortement soupçonné de prêter sa figure au démon quand celui-ci, pour des raisons particulières, préférait ne pas se montrer avec les cornes, la queue et le pied fourchu. Il y avait une foule d’histoires qui confirmaient cette opinion. Je me contenterai d’en citer une qui à la vérité ne remonte pas tout-à-fait aux premiers temps de la monarchie française, mais ne laisse pas cependant que d’être assez ancienne.

Cette anecdote se trouve dans un livre très singulier intitulé : Bonum universale de apibus ; l’auteur, Thomas de Catinpré, vivait au commence-

  1. Cette peau est très résistante en raison de l’abondance des carbonates de chaux et de magnésie, et du phosphate de chaux, qui sont déposés dans le derme et le rendent presque pierreux.