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SCIENCES NATURELLES.

Les espèces étrangères, qui forment le genre pipa, offrent encore quelque chose de plus singulier. Celle qu’on a connue la première vit à Cayenne et à Surinam dans les endroits obscurs des maisons. Lorsque les œufs sont pondus, le mâle les place sur le dos de la femelle qui sur-le-champ se rend à l’eau. La peau de son dos se gonfle et forme des cellules dans lesquelles les œufs éclosent et où les petits subissent leurs métamorphoses, ne sortant de cette prison qu’au moment où ils ont pris la forme qu’ils doivent garder jusqu’à la fin de leur vie.

Dans le plus grand nombre des cas, les œufs déposés simplement dans l’eau s’y gonflent, et au bout de quelques jours laissent chacun échapper un petit être qu’on a appelé têtard à cause de la grosseur de sa tête qui semble, en effet, hors de toute proportion avec le reste du corps.

Quelle que soit l’espèce de batraciens à laquelle il appartienne, le têtard est toujours très actif. Ses mouvemens sont irréguliers et comme tortueux, ce qui lui avait valu chez les Latins le nom de gyrin. Pline, sous ce nom, le décrit assez bien ; mais il croit que c’est là son premier état, et par conséquent il ne considère point les batraciens comme ovipares.

Le têtard se meut à l’aide de sa queue, et on ne lui voit d’abord aucun membre ; seulement, pendant les premiers jours, il a de chaque côté du cou de petites franges qui se détruisent bientôt, ou qui, s’il en faut croire Swammerdam, s’enfoncent seulement sous la peau pour former les branchies à l’aide desquelles l’animal respire. Les pattes de derrière se développent peu à peu et on peut en suivre les progrès ; celles de devant se développent aussi, mais sous la peau qu’elles percent ensuite. Alors la queue se résorbe par degrés ; un petit bec corné qui servait au jeune animal pour diviser les substances dont il se nourrissait dans son premier âge, tombe et laisse apercevoir les véritables mâchoires qui d’abord étaient molles et cachées ; l’œil, qui ne s’apercevait qu’à cause de la transparence de la peau, se découvre avec ses paupières. Les branchies s’anéantissent et laissent les poumons exercer seuls la fonction de respirer, qu’elles partageaient avec eux. L’animal a pris la forme qu’il doit toujours désormais garder.

Mais, chez les batraciens à l’état parfait, les poumons ne sont pas les seuls organes chargés de la respiration, la peau est aussi un organe respiratoire, c’est-à-dire que le sang contenu dans les vaisseaux qui s’y distribuent se met en rapport avec l’air extérieur pour y puiser les élémens dont il a besoin et y verser ceux dont il doit se débarrasser. Cette respiration cutanée ne peut s’effectuer qu’autant que la peau est souple, humide, et la conserver dans cet état est un des premiers soins de l’animal, dès qu’il a subi sa dernière métamorphose. S’il appartient à une