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une part aussi vive ? Pour moi, je ne le crois pas. Je vais plus loin. Vous savez quelle aversion profonde j’ai pour le vin, et combien l’odeur du tabac me répugne ; eh bien ! telle est mon admiration pour Hoffman que, si j’avais dix ans de moins, je n’hésiterais pas à me livrer une fois à toutes les débauches des tavernes allemandes, certain que je trouverais au fond de l’ivresse des trésors qui doivent demeurer éternellement enfouis pour moi. — Il y a deux ans, dans un voyage que je fis en Provence, j’appris que le vieux marquis d’Op… était mort. Il était mort dans son cabinet, un matin en lisant ; mort comme le vieux Goëthe qu’il admirait tant. Le gentilhomme français et le prince de Weimar, le représentant ignoré de certaines coutumes abolies pour toujours, et le poète auguste et glorieux des siècles nouveaux, avaient eu même fin. Si rien n’a été dérangé dans son cabinet, si toute chose est restée à la même place, rien qu’en voyant le dernier livre qu’il a lu, on pourrait dire quel temps il faisait le jour qu’il a fermé les yeux pour l’éternité. J’ai souvent pensé depuis à cet homme excellent, et je me suis servi de ses conseils bien des fois, à propos de certaines œuvres de poésie et de musique. Au fait, pourquoi ne s’abandonnerait-on pas à la nature ? qui donc la nature a-t-elle jamais trompé, pour qu’on lui refuse cette confiance que l’on donne si facilement au premier pédant qui se rencontre ?


Henri Blaze.