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POÈTES ET MUSICIENS ALLEMANDS.

tard que le corps d’un homme ne peut seulement se nourrir de soleil et de gouttes de pluie comme la tige d’une fleur ? Novalis, douce et triste pensée, éclose sur la feuille d’une marguerite, et tombée avant le soir comme une larme, sans qu’une femme l’ait respirée en sa virginité.

J’ai essayé plus haut de donner une idée des vers politiques de Uhland ; je vais maintenant citer quelques fragmens de ses autres chansons. On a vu le poète de la patrie ; c’est le poète de la nature et du printemps que je vais montrer. Ces pièces ont toutes en Allemagne quelque réputation : je ne serais pas étonné cependant que cette poésie calme et sereine, dépouillée de sa forme primitive, ne produisît pas sur le lecteur français l’effet que j’en attends. Pour un homme préoccupé de questions graves et sérieuses, ce sont là, je l’avoue, des choses futiles, sans intérêt ni valeur, qui n’ont d’autre mérite que celui de la forme, et la forme ne résiste pas à la traduction. Les chansons et les sonnets sont de petites fleurs chétives qui meurent quand on les transplante. Cependant je ne puis résister au désir que j’ai de citer des pièces ; on aimera, je suis sûr, l’épanouissement d’une ame qui s’ouvre aux tièdes rayons du printemps et sent le besoin de causer avec la nature et les fleurs, même lorsqu’elle sait qu’elle n’a rien de bien nouveau à leur dire.

LE FIL DE LA VIERGE.

« Comme nous cheminions ensemble, un fil de la Vierge flottait sur le champ, fil léger et lumineux, tissu par la main des fées. Il allait de moi vers elle comme un lien, et je le pris pour un heureux présage comme l’amour a besoin d’en inventer. Ô espérances des cœurs riches en espérances, tissues de vapeurs, emportées par le vent ! —

Je vais dans ton jardin, où donc es-tu, ma belle ? les papillons voltigent dans la solitude, comme tes plantes se ramassent en gerbes, comme le vent qui vient de l’ouest m’entoure du parfum des fleurs.

Je sens que tu m’es prochaine ; la solitude est animée ainsi au-dessus de ses mondes ; l’invisible s’émeut. —