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VOYAGE EN NORWÉGE.

fisamment. À côté de l’habitation vient la grange ; elle s’élève sur des poteaux isolés, interrompus à trois pieds de terre par des pierres surplombantes. Les étables, la laiterie forment aussi des bâtimens distincts ; mais le lieu le plus intéressant est le magasin, construit aussi sur pilotis. Là sont renfermées toutes les richesses de la famille : les couvertures de peau de mouton doublées d’étoffe, des lits de rechange, des habits de laine ou de fil pour quatre ou cinq générations, toute la garde-robe des dimanches, du linge en quantité prodigieuse, des provisions de bouche à nourrir un village. Les paysans de cette province centrale, les Telemarken, ont un costume national et pittoresque ; ils portent une veste coupée à peu près comme celle de nos lanciers, avec des passepoils de diverses couleurs, un gilet écarlate, des culottes noires à liserés rouges, des bas de laine à coins d’or ou d’argent, des souliers à larges rubans, et sur leurs cheveux longs une calotte ronde à côtes de melon, semblable pour la forme à celle que portaient les Grecs avant leur indépendance. Les jeunes filles ont un grand luxe de toilette. À la demande de notre peintre, l’une d’elles se revêtit de ses habits de noce, soigneusement serrés dans le magasin, en attendant le jour de son mariage. Elle portait trois robes étagées l’une au-dessus de l’autre, de manière à montrer les garnitures de chacune. Celle du dessous était de laine rouge brodée en noir ; l’autre de laine noire brodée en argent ; la troisième d’étoffe verte brochée en or. Trois ou quatre colliers, des pendans d’oreilles, des bracelets, des ornemens d’estomac rappelaient la statue de Notre-Dame-de-Lorette. Ce qui complétait la ressemblance, c’étaient deux bourrelets qu’elle portait au-dessous des bras, et qui lui venaient jusqu’aux hanches. Elle était ainsi toute d’une pièce, et semblable à une pyramide ; une taille fine aurait été pour elle une disgrâce. Ses bas rouges étaient brodés en soie blanche, et un grand bonnet de dentelle couvrait ses longues tresses blondes : elle avait sans doute médité et préparé longuement cette parure, qui devait charmer son fiancé.

Les saisons sont ici plus régulières que dans les climats tempérés. Au milieu de mai les neiges commencent à fondre, et la terre, qu’elles avaient préservée de la gelée, paraît aussi verte qu’au milieu de l’été. L’herbe pousse avec vigueur, et mûrit à la fin de