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enfant apprend à lire de ses parens ; les pasteurs ne le confirment qu’à cette condition. J’ai vu souvent les frères aînés remplir ce devoir paternel, et faire épeler leurs jeunes frères avec une attention et une gravité exemplaires des deux côtés. Dans chaque maison on trouve une petite bibliothèque de trente ou quarante volumes, placés sur un rayon élevé, ou dans une armoire dont le père a la clé. La moitié sont des livres de religion ; la Bible, reliée en cuir noir, avec un fermoir d’argent, y occupe la première place. Les autres livres sont quelques relations de voyages, quelque vieille histoire du Danemarck, ou quelque description de l’Islande et de la terre verte (Groënland) : les marges de ces volumes précieux sont toutes noires, mais soigneusement préservées. Dans les longues soirées d’hiver ils lisent haut, à tour de rôle, pendant que le reste de la famille, occupé à des ouvrages manuels, est assis sur les bancs qui entourent la chambre, et que le grand poêle en pierres taillées est presque rouge, tant il est rempli d’éclats de sapins. Ils font eux-mêmes tous leurs meubles en bois de pin ou de bouleau ; leurs chaises sont des sections de troncs d’arbres, laissées intactes jusqu’à deux pieds de terre, et évidées au-dessus pour former le dossier ; les dimensions de ces siéges économiques varient suivant les âges. Les plats, les assiettes, les écuelles, sont en bois de frêne ; ils les sculptent avec beaucoup de goût, et les peignent de diverses couleurs. Ils en font aussi en terre cuite, avec de jolis dessins. Ils aiment les sentences morales, et en gravent sur la plupart de leurs meubles. Par exemple, j’ai lu sur une coupe destinée à recevoir du lait : Bois et remercie Dieu ; autour d’un grand plat de bois : Mange avec ton ami, laisse manger ton ennemi ; sur le seuil d’une porte, ces paroles du psalmiste : Si le Seigneur ne garde point la maison, celui qui la garde veille en vain ; et sur un ciel de lit : L’homme sème. Dieu fait prospérer la moisson. Leur maison d’habitation est divisée en deux pièces ; l’une sert de cuisine et d’office. Dans un angle s’élève une cheminée à manteau élevé ; on y place le bois perpendiculairement ; la marmite de gruau pend au-dessus par une chaîne. L’autre appartement est échauffé par un poêle ; c’est la chambre à coucher. Partout sont des fenêtres doubles, condamnées pendant l’hiver. Cet usage, qui semble d’abord malsain, n’a point d’inconvéniens ; le feu renouvelle l’air suf-