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POÉSIES POPULAIRES DE LA BRETAGNE.

L’ENFANT, aux soldats.

Arrêtez, soldats, ne frappez pas trop vite ; celui qui le ferait ne serait pas sûr de sa vie. Si quelqu’un fait un pas, si quelqu’un touche cette femme, je lui brûle le cœur d’un coup de pistolet. — Je défends ma mère ! — Elle aura justice contre ses ennemis et contre les faux témoins. (Se tournant vers les juges et les témoins.) Faux prêtre, j’aurai ta vie devant tous les princes. Qu’on saisisse cet homme et qu’on le mette en prison. Justice, parlement ! Si on le laisse échapper, on s’en repentira. (Aux soldats qui sont sur l’échafaud.) Venez ici, misérables, avec vos cordes ; jetez à terre ce faux témoin ; et ce Kervoura, liez-le comme un sanglier furieux. (Aux juges.) Juges, il faudra que vous rapportiez aujourd’hui votre arrêt, car ces trois misérables doivent être pendus.

ARTHUR.

Quelle preuve apporte cet enfant de ce qu’il avance ?

L’ENFANT.

Vous le saurez, Arthur. (Il court vers l’échafaud.) Mais il faut que je délivre cette sainte. Courage, madame, vous vivrez, me voilà venu à votre secours. (Il la prend par la main, et s’avance avec elle vers Arthur.) Arthur, roi de Bretagne, celui qui vous parle ici est votre fils. Oui, je suis l’enfant que Triffine a mis au monde, et c’est à cause de moi qu’elle a souffert tant de tourmens. Sauvé par la grâce du Seigneur, j’ai été élevé par l’évêque saint que vous voyez. Je ne suis pas venu sans preuves. — Voici ma nourrice, que Kervoura connaît ; voici des gens qui sont vivans et que vous pouvez interroger. (Se jetant dans les bras de Triffine.) Ma mère, ô ma mère ; jamais vous n’avez vu de fils rempli d’autant de joie.

TRIFFINE.

Un fils, un fils… J’ai un fils ! (Elle le regarde.) Comme il est beau mon fils ! (Au roi.) Arthur, oh ! ne cherchez pas d’autre preuve que le cri de mon sang. (Elle étend la main sur la tête de l’enfant.) Je le bénis ; c’est mon enfant.

KERVOURA.

Comment peut-on écouter les mensonges d’un singe de cet âge ? — C’est sans doute un fils de prêtre qui cherche aventure. Et vous donneriez, Arthur, la couronne de Bretagne à l’enfant de quelque ribaude ? Si je ne me retenais, je l’écraserais sous mes pieds.

L’ENFANT.

Je ne suis pas le fils d’une ribaude, Kervoura ; je vais te le prouver, car je te connais. C’est toi, tyran, qui m’as enlevé dès ma naissance pour me faire mourir lorsque j’aurais six mois, afin de guérir Abacarus et de