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POÉSIES POPULAIRES DE LA BRETAGNE.

Cependant il rencontre un prêtre et veut le consulter, mais celui-ci, qui est un serviteur que Kervoura a envoyé ainsi déguisé, apprend au roi que Triffine lui a avoué, en confession, qu’elle le trahissait. Arthur, qui n’a plus de doute, se décide alors à se venger. Il fait saisir la reine par des soldats qui la conduisent dans un cachot creusé sous la terre, et où il fait si noir qu’un ange gardien n’y verrait pas l’homme qu’il protège. — « Entrez, madame, dit l’un des soldats à Triffine, voilà le palais et la chambre dorée que vous méritez ; voici de la paille pour votre lit, et ces fers entoureront votre corps, jour et nuit, comme des ornemens royaux.

Quand la journée suivante commence, Triffine est dans sa prison, maigre et désolée.

TRIFFINE.

Dieu ! qui donnes la force, console mon cœur déchiré ! Hélas ! avec le temps, je sens qu’il faut céder. Voilà neuf mois que j’habite ce trou obscur. Neuf mois ici, sans feu, sans un rayon de lumière ! Oh ! si je voyais seulement une étoile ! Une étoile, mon Dieu, au milieu du ciel bleu ! — Ah ! roi des astres, donne-moi un changement ! Donne-moi vite un changement, car je ne puis plus rester dans cet abîme. — Pauvre femme ! J’étais accoutumée aux duvets moelleux, aux couvertures de soie, et depuis neuf mois la paille est sous mon corps, les lézards et les crapauds me servent de courtines ! Mes membres se sont endurcis dans la douleur. Nuit et jour mon corps se gerce sous les morsures du froid. Jésus, secoure-moi ! Justice, mon Dieu ! Justice et torture, s’il le faut ; j’aime mieux mourir que de rester ici.

Mais le parlement s’est assemblé pour juger Triffine. Arthur entre et s’adresse au chef des juges.

ARTHUR.

Salut, président, votre roi est venu à votre palais pour vous porter sa plainte contre une femme. Elle est en prison maintenant. Vous aurez pour agréable que je parle moi-même pour ma cause ; je me choisis en Bretagne pour mon avocat… Si cela vous déplaît !… je suis votre roi.

Le président lui répond que lui et le parlement lui sont soumis. Arthur rapporte alors les accusations qui s’élèvent contre Triffine. On interroge des témoins, qui tous sont gagnés par Kervoura et qui répondent de manière à faire condamner la reine. Les juges font paraître celle-ci devant le tribunal.

LE PRÉSIDENT.

Reine de la Petite-Bretagne, Triffine, avancez : voici que nous sommes