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public et les masses ne jugent l’aristocratie anglaise que par les hommes qui la représentent avec le plus d’assiduité dans le parlement, et ne sentent son action que par la violence de leurs discours contre le peuple. C’est là que se trouve la partie agissante de la pairie, c’est à cette bande d’aveugles ou de furieux, que s’adresse la curieuse lettre de Daniel O’Connel ; c’est elle qu’il nomme, aux applaudissemens de toute l’Angleterre, une meute constitutionnelle de chiens altérés de sang, constitutionnal blood-hounds, où le terrible et habile agitateur fait figurer, avec Wellington à leur tête, lord Winchelsea, lord Londonderry, lord Lyndhurst, lord Newcastle, les lords Kenyon, Ellenborough, Devon, et le duc de Cumberland lui-même.

Ce n’est pas qu’il n’y ait que des hommes violens et inhabiles dans le parti des orateurs du camp tory. Assurément, on ne pourrait donner une de ces épithètes à sir Robert Peel sans être taxé de folie. Le duc de Wellington ne manque, en certains jours, ni de profondeur ni d’habileté ; mais la dernière lutte a révélé la faiblesse des ressources parlementaires du parti. Pour sir Robert Peel, c’est, dans son parti, un homme unique. Les actes de son ministère et ses discours à cette époque resteront comme un monument de sagacité et de finesse. Si la cause du torisme pouvait être sauvée, sir Robert Peel serait le Christ ou le Luther de cette vieille croyance qui tombe de corruption et de vétusté. Dernièrement encore, dans un discours aux électeurs de Tamworth, il a su relever pour quelques momens, et par des prodiges de talent, la fortune abattue de son drapeau. Il faut convenir que la marche et les actes de notre ministère l’ont servi à souhait. Il lui a suffi d’étendre la main vers la France, et de montrer où les hommes d’état sortis de la démocratie, et parvenus au pouvoir à la faveur d’une révolution et d’une réforme, mènent un pays. Il a montré les libertés de la France s’en allant une à une, les démocrates, une fois assis au pouvoir, devenus les plus cruels ennemis des franchises populaires ; il a désigné du doigt toutes les plaies, encore saignantes, qu’on nous fait chaque jour ; et, s’appuyant d’exemples si récens, il a prouvé à ses électeurs déconcertés que toutes ces assemblées si vantées, qu’elles se nomment chambre des députés ou chambre des communes, ne se composent pas communément, comme ils pourraient le croire, de philosophes et de patriotes dévoués à l’intérêt du pays. « Ainsi il est bien prouvé, a dit sir Robert Peel, qu’il y a peu de fonds à faire sur un gouvernement populaire. L’espérance même qu’on avait fondée ici sur les trois glorieuses journées de juillet s’est à peu près dissipée, et les actes du gouvernement français sont le sujet de toutes les conversations. Quant à moi, je ne me plains pas du roi des Français, qui, je le crois, désire faire le bonheur de son peuple. Ce n’est pas sa faute s’il est forcé de recourir aux mesures qui, tout récemment, viennent d’être discutées par les chambres ; ce n’est pas la faute du gouvernement si la nation française est obligée de se soumettre à une tyrannie plus grande que celle qui pesait sur elle sous l’empire des anciennes lois du pays. Je crois pouvoir dire que les Français jouissent maintenant de moins de liberté que nous n’en avons