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REVUE DES DEUX MONDES.

Fils et l’Esprit saint de m’assister et de me donner une voix aussi douce que celle de la tourterelle dans les ifs des cimetières.

Voici ce qu’on voit dans la première journée.

On est alors à l’an de grâce cinq cent huit, et Arthur porte la couronne de Bretagne. Il a épousé Triffine, princesse d’Hybernie, « qui est une femme sainte, s’il en fût sur la terre, qui se plie à toute chose avec une sincère humilité, et dont toutes les actions sont chargées d’une douce charité. » Kervoura, son frère, est, au contraire, un homme dont le cœur est plus noir et plus profond qu’une nuit d’hiver, et qui a pris Satan pour son ange gardien. Il a quitté sa sœur, et il parcourt le pays, cherchant la puissance et les richesses. Il arrive ainsi près du roi Abacarus, qui règne en Angleterre, et qui a une fille qui n’a point encore choisi d’époux. Abacarus, après beaucoup de victoires, a été frappé par la maladie ; il est au lit, accablé de langueur et de poison. — « Je suis un roi puissant dans la vie, s’écrie-t-il ; je voudrais être pauvre et trouver la santé. » — Il demande à Kervoura, qui est venu le voir, s’il ne pourrait pas lui trouver un homme capable de le guérir. Lui, jeune homme, qui a vu la France et la Bretagne, il doit avoir trouvé de grands physiciens qui savent remonter le corps comme des ouvriers habiles le font des machines et des engins de guerre. Kervoura lui promet de trouver un remède à ses maux. — « Si vous faites cela, dit Abacarus, vous êtes un jeune homme et j’ai une pennères ; je ferai de vous deux un roi et une reine. »

Cette promesse allume l’ambition de Kervoura ; « dût-il tomber au feu éternel, il veut guérir le roi pour obtenir la couronne. » Il va trouver une sorcière habile, « qui regarde les étoiles du ciel comme un alphabet, qui sait tout, et que les jeunes filles, malades d’un attachement, viennent souvent consulter. » Kervoura lui demande les moyens de finir les maux d’Abacarus ; la sorcière invoque Jupiter et Satan. Satan apparaît avec grand bruit de tonnerre, et déclare qu’il faut prendre un garçon premier né, de sang royal, et âgé de six mois, le tuer, puis faire manger sa chair rôtie à Abacarus, et lui faire boire son sang ; qu’alors celui-ci redeviendra fort comme un jeune homme, et qu’il pourra encore serrer la hache d’armes dans sa main et les jeunes filles dans ses bras. Kervoura, qui a tout entendu, reste bien embarrassé.

Cependant il part pour la cour du roi Arthur. Arrivé là, il s’aperçoit que sa sœur Triffine est enceinte. Il envoie aussitôt un messager à la magicienne. Celle-ci est occupée à lire Agrippa et Cornélius, « qui sont les deux plus grands auteurs dans l’art magique ; et elle arrive de la terre nouvelle, où elle peut aller dans un instant, quand il lui plaît. » Aussitôt