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REVUE. — CHRONIQUE.

les libertés garanties par la Charte. De ce rapport il résulte que dans un grand nombre de localités, le ministère est supplié d’augmenter encore la centralisation impériale, de prendre encore quelques-unes des libertés publiques, et d’ajouter encore quelques monopoles à ceux que maintient l’administration. Le ministère ne demande pas mieux que d’aller au-devant de tous ces vœux ; mais il attend sans doute que le parti ultra de 1835, qui se renforce et grossit chaque jour, ait jeté de plus profondes racines ; alors on avisera aux moyens de remplir ces désirs officiels de la nation. Au moins, M. de Villèle subissait à contre-cœur les exigences de la congrégation ; aujourd’hui c’est avec joie qu’on se rapprocherait d’elle.

Tandis qu’en France on s’occupe activement à former une aristocratie, et à ramener les idées vers l’hérédité de la pairie, en Angleterre on se fait, sans trop d’effroi, à l’idée d’abattre cette noble et antique chambre haute, ou du moins on songe à l’empêcher de se perpétuer par la voie de succession. Qui eût dit, il y a quelques années, que l’Angleterre serait prochainement gouvernée par deux chambres électives ? Du continent et du pays où nous vivons, il est bien difficile de se faire une idée de la situation présente de l’Angleterre. S’il est très vrai, en thèse générale, qu’une aristocratie illustre, puissante, possédant depuis des siècles le rang et la fortune qu’il faut pour vivre dans l’ordre d’idées politiques le plus élevé, pour envisager les affaires publiques sous le plus large aspect, dégagée de toutes les entraves mesquines, de toutes les préoccupations journalières, de tous les petits calculs d’économie qui font de bons citoyens, des esprits droits et sévères, mais de pâles et timides hommes d’état ; s’il est vrai qu’une telle aristocratie soit bien propre à soutenir la splendeur d’un grand état, il faut convenir aussi que les lords dont se compose la majorité tory dans la chambre haute, ne forment pas une semblable aristocratie. Voyez quels sont les hommes qui dominent aujourd’hui dans l’opposition de la chambre haute, quels sont les lords qui s’opposent ordinairement aux projets de réforme, ceux qui traitent avec plus de dédain les ministres et les communes, ceux qui parlent sans cesse, ceux qui causent le plus d’irritation, ceux qui mettent tout en branle. Ce sont, pour la plupart, des hommes ruinés, tarés : les uns sans nom, pairs de fraîche date ; les autres sans fortune, ne vivant que de places et de traitemens, décriés, méprisés, ou traînant un nom royal dans le scandale des plus criminelles débauches. Nous nous abstiendrons de les nommer, mais leurs noms viendront à la bouche de tous ceux qui connaissent l’Angleterre. Loin de nous cependant la pensée de flétrir en eux toute l’aristocratie anglaise. Nous savons plus que personne peut-être combien elle compte d’hommes éclairés, instruits, de vénérables pères de famille, de grands citoyens, de bons officiers dévoués à leur pays, de savans agronomes qui consacrent une immense fortune à l’amélioration de la terre ; mais ceux-là étudient, méditent, combattent, naviguent, travaillent, et ne s’opposent pas violemment aux progrès nécessaires, et jusqu’alors vraiment sages, d’une saine réforme. Malheureusement, le