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anecdotes scandaleuses ; il foule aux pieds des bienséances qui doivent toujours être respectées. Les éditeurs ont été au-devant de ce reproche, mais obligés de supprimer un petit nombre de passages qui dépassaient toutes les bornes, ils se seraient bien gardés de porter plus loin le scrupule. Ils ont mieux aimé encourir le reproche de n’avoir pas été assez sévères que de risquer d’ôter à Tallemant sa physionomie originale avec son allure cynique, moqueuse et dénigrante. Ce livre est celui des hommes faits ; ceux qui le liront feront la part du temps ; ils seront encore choqués d’une foule d’expressions, de couplets et d’anecdotes, que nous avons cru devoir conserver ; mais ils se souviendront que nos pères n’avaient pas les mêmes idées que nous sur certaines bienséances. Nos poètes dramatiques emploieraient-ils aujourd’hui des expressions qui du temps de Molière, de Dancourt et de Montfleury, n’effarouchaient personne ? Tallemant écrit pour ses amis avec l’abandon d’une correspondance familière ; il amène et il explique ces vaudevilles qui avaient le diable au corps, comme Mme de Sévigné le disait si plaisamment des chansons de Blot, et il conte en badinant les anecdotes qui les ont inspirés. Aussi Tallemant des Réaux a-t-il plus d’un rapport avec Brantôme et Pierre de l’Estoile, écrivains que, malgré leur cynisme, on n’a jamais pensé à exclure des bibliothèques.


Monmerqué,
Membre de l’Institut.

    nemi de Sully. Cette remarque qui nous était échappée, mérite d’être pesée ; mais c’est surtout dans l’historiette de Louis xiii (tom. ii, pag. 64), que l’influence de madame de Rambouillet se fait le mieux sentir : « Elle ne pouvoit souffrir le Roi, dit Tallemant ; il lui déplaisoit étrangement ; tout ce qu’il faisoit lui sembloit contre la bienséance (tom. ii, pag. 282). » Aussi Tallemant a-t-il singulièrement maltraité Louis xiii ; il lui prête des vices dont, à ce qu’il nous semble, personne jusqu’à présent ne l’avait accusé ; il relève soigneusement ses ridicules et ses défauts, et il ne dit pas un mot du courage de soldat qu’il montra à l’attaque du Pas-de-Suze.