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TALLEMANT DES RÉAUX.

Le père Rapin, le célèbre auteur du poème des Jardins, mort en 1687, a écrit au bas de cette épître les mots suivans : Des Réaux, depuis converty. Des lettres autographes de Rapin, rapprochées de ces mots, ne permettent pas de douter qu’ils ne soient de sa main. Il résulte de cette courte mention qu’à une époque avancée de sa vie des Réaux embrassa la religion catholique ; M. de Boze semble l’indiquer dans son éloge de l’abbé Paul Tallemant.

L’épître de Tallemant n’est pas sans importance ; elle le montre dans un âge avancé, de léger, caustique et frondeur, devenu un homme sérieux, appréciant les choses à leur valeur ; nous croyons, malgré son étendue et sa médiocrité, devoir insérer ici cette pièce.


Rapin, je ne saurois différer davantage,
Ma muse veut enfin te rendre quelque hommage ;
J’en prévoy bien le risque, et qu’au petit troupeau
Le cas assurément paroistra fort nouveau ;
Mais il m’importe peu qu’on y trouve à redire ;
T’aimer comme je fais, c’est bien pis que t’écrire ;
Je ne m’en cache point, je voudrois que mes vers
Le pussent faire entendre à tout cet univers.
Tu ne m’es pas moins cher pour être jésuite ;
Sous quelque habit qu’il soit, j’honore le mérite.
Et l’on peut bien aller jusqu’aux religieux,
Quand de tous les humains ceux qu’on aime le mieux
Ou sont bénéficiers, ou le voudroient bien être.
Ah ! plût à Dieu qu’il prît envie à notre maître
De voir si sur ce fait je ne suis point menteur ;
D’être désavoué je n’aurai pas grand’peur :
En tout temps mes amis ont eu le sort contraire,
Leurs veilles jusqu’ici ne leur profitent guère ;
Ils ont assez fait voir leurs talens merveilleux,
Le siècle les admire et ne fait rien pour eux ;
Je ne suis point surpris de voir que l’opulence
Fasse aujourd’hui divorce avecque la science ;
Elle l’a toujours fait ; en quel temps a-t-on vu
La Fortune d’accord avecque la vertu ?
Qui l’espère, se flatte, et leur vieille querelle,
Bien loin de s’apaiser, toujours se renouvelle.