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TALLEMANT DES RÉAUX.

Dans ses fameux écrits toute la France admire
Des Grecs et des Romains les précieux trésors ;
À sa perte on ne sauroit dire
Qui perd le plus des vivans ou des morts[1].


Cet éloge paraît aujourd’hui d’une exagération ridicule ; mais il ne faut pas oublier que Perrot d’Ablancourt était un des meilleurs écrivains de son temps, et que les réputations des traducteurs s’évanouissent à mesure que de plus habiles les font oublier.

Tallemant aimait la poésie ; il paraît l’avoir cultivée pendant tout le cours de sa vie. Il s’est même essayé pour le théâtre ; nous avons sous les yeux le brouillon, écrit de sa main, d’une tragédie d’Œdipe. Œuvre de sa jeunesse, cette pièce a dû être composée avant que l’auteur du Cid traitât le même sujet. Tallemant avait quarante ans en 1659, quand Corneille fit jouer son Œdipe.

Nous avons lu attentivement la tragédie de des Réaux, elle nous a paru sagement composée ; mais la versification en est si faible, que nous n’y avons rien trouvé de digne d’être cité.

Les manuscrits de Conrart contiennent une jolie ballade de la main de Tallemant. Nous l’insérons ici pour en assurer la conservation.


Rien n’est si beau que la jeune Doris ;
Son port hautain n’est pas d’une mortelle ;
Ses doux regards, ses amoureux souris,
Ses traits divins, sa grace naturelle,
De son beau teint la fraîcheur éternelle,
De son beau sein la blancheur immortelle,
Et ses beaux yeux plus brillans que le jour ;
Je l’aime aussi de toute mon amour,
Et honni soit celui qui mal y pense.

J’aime d’amour ses aimables esprits,
Ses doux accens, qui charment Philomèle,
Et son esprit, délice des esprits,
Et sa vertu, des vertus le modèle ;

  1. Recueil de vers choisis, Paris, 1698, pag. 8.