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des lois électorales et de nouvelles libertés municipales : on cessa de regarder Lafayette pour se coiffer du chapeau de Napoléon.

C’est par ses instincts de guerre que l’école américaine a perdu vite sa physionomie, et s’est confondue dans toutes les circonstances graves avec l’école conventionnelle, ou du moins s’est effacée derrière elle. Je sais qu’il peut être fort louable de ne pas désavouer dans le danger ceux qui combattent un commun adversaire ; cette conduite est digne de gens de cœur et les honore, mais elle n’en fait pas moins reculer les affaires, car tout ce qu’il y a de plus dangereux pour les partis, comme pour les individus, c’est une solidarité dont ils ne se relèvent pas.

La seule époque de notre révolution où la réforme sociale ait été conçue d’une manière tant soit peu américaine, où l’on ait tenté de l’opérer par la seule puissance du droit, c’est, il faut le dire, sous la Constituante. L’Assemblée Nationale fut véritablement pacifique ; elle se préoccupait moins de l’Europe que de l’excellence de son œuvre ; mais bientôt vinrent Brissot et les Girondins, qui sont les véritables fondateurs de l’école démocratico-militaire du National.

Cette disposition guerrière et conquérante, commune aux fractions diverses de ce parti, a, plus que toute autre chose, assuré l’éclatante victoire du pouvoir. Le maintien de la paix a été, depuis 1830, et la base du système politique et le principe même de sa force ; car cette idée concorde autant avec le cours providentiel de la civilisation du monde qu’avec les intérêts vitaux de la France. Il n’y a pas plus de système à combattre l’émeute dans les rues qu’à résister à un bandit qui vous assaillit ; mais chercher pour les questions les plus ardues une solution pacifique, substituer une influence morale au propagandisme de la force, savoir circonscrire la sphère de son action pour être en droit de l’y exercer plus puissante, c’est là une idée discutable sans doute, mais que je crois, pour mon compte, conforme à l’esprit du siècle, idée qui honore le pouvoir qui l’a conçue et poursuivie au milieu des plus terribles épreuves.

Quelques nuances qui aient pu séparer les deux écoles républicaines, il est certain qu’en ce moment elles sont, à bien dire, confondues aux yeux du pays. Ce fut l’habileté, et en même temps le bonheur du pouvoir, d’opérer cette confusion. Ainsi, sous la restauration, fit l’opposition de quinze ans, en confondant dans une réprobation commune les gens à doctrines de la droite et les gens d’affaires du centre droit ; hommes très dissemblables de leur nature, mais également solidaires par honneur et par affinité, non par caractère et par conviction.

Il n’y a donc plus debout devant la France qu’un seul parti répu-