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de glorieuse mémoire, et le 9 thermidor un jour néfaste. À des statues pétries de fange et de sang, à des hommes qui, s’ils ont sauvé la France, l’ont marquée au front d’un signe indélébile, on fait ouvrir le Panthéon par la patrie reconnaissante ! le Panthéon, marbre doré, temple sans dieu, tombeau sans immortalité, pompeux et froid symbole de ce culte du néant qui n’est plus dangereux depuis qu’il se professe au grand jour devant la France et sous le ciel.

Lorsqu’on médite les souvenirs dont ce mot de république vient assaillir et comme étouffer l’ame, on est porté à se demander si la constante et terrible loi de solidarité qui pèse sur les nations, sur les familles et sur tous les hommes, ne s’appliquerait pas aux idées elles-mêmes. C’est alors que, malgré le cours évident des choses et des opinions contemporaines, on se prend à douter de l’avenir, et qu’on rejette, comme à toujours condamnée, une idée qu’il semble impossible de purifier de tant de souillures.

Le parti conventionnel ne s’est pas fait moins d’illusions sur ses forces matérielles que sur la portée de ses doctrines. Il n’a pas compris que la démocratie, telle qu’il l’entend, c’est-à-dire la classe des manœuvriers, vit par son association même avec la bourgeoisie qui commande et solde le travail, et qu’elle n’est pas assez compacte pour avoir des intérêts vraiment distincts et pour les faire prévaloir.

Lorsqu’en 1832, certains hommes poussaient à une insurrection de la Vendée dans l’intérêt légitimiste, ils rêvaient des paysans étrangers aux idées comme aux intérêts des villes. Une prompte expérience leur prouva que l’esprit de bourgeoisie, c’est-à-dire d’industrie et de propriété, avait pénétré la chaumière du laboureur, et qu’il n’y a pas plus aujourd’hui de paysans en politique, que de bergers en poésie. Les meneurs de Lyon et de Paris se sont laissé aller à une erreur analogue ; ils n’ont pas su voir que, même au sein de nos plus grands centres industriels, l’ouvrier et le fabricant, le pauvre et le riche, sont dans une dépendance réciproque et constante.

Une résistance, tant soit peu longue, doit inévitablement amener à crier merci des ouvriers engagés dans une insurrection démagogique ; car ils n’y sont guère entraînés que par le manque de travail et de pain, et la victoire, loin de leur en assurer, leur en enlève. Force serait donc de passer vite au pillage et à l’assassinat ; mais si l’on jette ainsi quelques jours la terreur dans une grande cité, on ne fait pas une révolution : tout au contraire, on la rend impossible, car on arme contre soi, non plus des opinions, mais des intérêts.

Nulle analogie à établir, ainsi que le clubisme a paru le croire.