Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 3.djvu/655

Cette page a été validée par deux contributeurs.
647
DES PARTIS ET DES ÉCOLES POLITIQUES.

tions pour lui donner une fermeté d’apparat, au milieu du relâchement des mœurs et des idées de son siècle.

Il serait curieux d’étudier l’histoire des républiques anciennes dans le double but de constater, pour ainsi dire un thermomètre à la main, comment la chaleur et la vie se retirent du corps social à mesure que les croyances religieuses sont mises en doute, et comment, d’un autre côté, la foi s’altère selon que l’émancipation plébéienne se développe, et que le sens primitif des institutions s’efface. On verrait en Grèce le génie des saintes lois d’Érecthée se matérialiser sous les réformes successives d’un Dracon, d’un Solon, d’un Clisthènes, d’un Périclès, jusqu’aux jours d’une démagogie furieuse et bavarde, dont le roi Philippe achète à volonté la colère ou le silence. À Rome, où le panthéisme des lois et des croyances se maintint au milieu même des victoires de la démocratie, sans doute parce que les prêtres de Vulsinies, appelés à consacrer l’asile naissant de Romulus, le forgèrent d’une trempe plus inflexible, le plébéien tremble au sein de son triomphe sur les vieilles divinités et sur les vieilles lois, et finit, tant ces idées s’enlacent invinciblement, par concentrer ce qui survit de cette double et mystique puissance, sur la tête d’un chef, successeur par plébiscite des Brutus, des Spurius, des Gracques, de Marius et de César : auguste et populaire empereur, qui ne versait que le sang patricien et dont la plebs embrassait les autels, qui recevait, vivant encore, les honneurs de l’apothéose ; prince et pontife, homme et dieu, monstre incompréhensible que réclament à la fois la terre, le ciel et l’enfer.

En considérant les temps actuels sous le reflet des temps historiques, certains esprits méditatifs et moroses ont pu donner une couleur spécieuse à des analogies menaçantes et à des pressentimens sinistres.

Il semble, en effet, au premier aperçu, que nous approchions de ces temps où le génie grec se noya dans le torrent de ses paroles redondantes et vénales, où Rome, émancipée du joug des sénateurs-pontifes, tomba sous celui du despotisme, régnant au nom de la souveraineté populaire qui l’avait élevé.

Napoléon, dieu du peuple et de l’armée, représentant glorieux de la démocratie triomphante, ne paraît pas loin de César. Partout les institutions politiques se matérialisent, et la société civile cesse de réfléchir cette harmonie qu’avait aussi conçue le moyen-âge, quoique d’une manière différente, entre le dogme chrétien et la puissance sociale. La force gouvernementale se resserre dans son action pendant que grandit en dehors, et au-dessus d’elle, un pouvoir irrésistible et nouveau. L’opinion devient reine du monde, et cette opinion, servie par la presse, devant