monde ; elle est aujourd’hui reine non pas détrônée, mais malheureuse, mais obligée de réparer ses revers : on va la juger à son tour, cette arbitre souveraine des choses. Les conjonctures sont grandes, la pensée et la presse doivent grandir avec elles. Sauvons-nous par l’élévation de nos idées, par le concert de nos efforts, par l’harmonie de nos ames ; dérobons-nous aux coups de nos adversaires en planant au-dessus de leur tête. La presse a eu ses jours d’enivrement et d’orgueil : elle peut se créer un ascendant plus puissant encore par la modestie et la simplicité d’un courage que rien ne doit fléchir.
La situation est nouvelle, sachons y suffire : puisque la propriété intellectuelle est menacée dans toutes ses formes et ses degrés, c’est à ceux qui vivent de l’intelligence à se donner la main pour défendre à la fois leur pensée et leur vie. Plus de discordes, plus de jalousies envieuses, mais des bons offices, mais un zèle commun, mais des sentimens et des procédés fraternels. Faisons de la France un vaste atelier de travail où chacun trouve sa valeur et son mérite ; c’est seulement avec les produits de l’esprit humain que nous pouvons acheter la liberté.
Et savez-vous qu’il y va de la réputation même de la France à la face du monde ? L’Europe ne peut plus, ni nous reconnaître, ni nous comprendre ; à ses yeux, nous sommes étranges et presque suspects. C’est aux générations fraîches et nouvelles qui vont paraître demain sur la scène des affaires et de la civilisation de relever le nom de la patrie et les espérances dont il ne faudrait pas déshabituer le monde. Pour cela, la nouveauté de la situation veut être reconnue avec franchise et cultivée avec fermeté.
Cinq ans nous séparent d’une révolution dont l’avènement fut nécessaire et dont le principe ne périra pas. Ces cinq années ont été remplies par un immense chaos de passions et de théories, de nobles efforts et d’excès coupables. Commençons aujourd’hui un lustre nouveau : apparemment nous ne sommes solidaires des fautes et des déportemens de personne ; reprenons l’œuvre commune et compromise ; écoutons enfin nos convictions et combattons au moins avec nos propres armes et nos propres idées.
La liberté démocratique que nous concevons ne peut être la conquête d’une émeute furibonde et hébétée, les émeutes n’ont