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DE
LA RÉACTION
CONTRE LES IDÉES.

Sommes-nous libres encore ? pouvons-nous encore écrire ? Ne le demandons pas aux lois, mais aux hommes. Nous vivons aujourd’hui dans cette condition que, si nous émettons encore notre pensée, c’est sous le bon plaisir de quelques-uns qui peuvent nous épargner ou nous frapper, et non plus par la sainte grâce des lois qui assurent à tous une liberté inviolable. Nous sommes aujourd’hui déshérités du droit.

Et pourquoi ? Parce qu’un malheureux a désolé Paris et la France par de sanglantes infamies. Mais n’y avait-il pas un abîme entre les saturnales de Fieschi et la liberté de l’esprit humain ?

Étrange obsession pour l’écrivain ! Il a devant lui le législateur qui, à chaque mouvement de la pensée, l’arrête et l’épouvante. Il songe au passé ; soudain une voix lui crie : Prends garde, tu regrettes, et ton regret, je l’ai qualifié délit. Il pressent l’avenir ; la même voix, plus sévère, le réprimande encore : Prends garde, tu désires, et ton désir, je l’ai appelé crime. Le présent n’a pas même été laissé entier et libre : il est circonscrit rigoureusement ; l’espace en est mesuré avec une parcimonie menaçante : on dirait