Je le veux bien, mais ce n’est pas par cette voie qu’il faudrait y arriver. Et si nous avions en effet une chambre des pairs élue, elle n’héritera pas, soyez-en sûrs, de la dépouille du jury. »
M. Thiers, à qui un certain genre de courage ne manque pas, s’est chargé de répondre à l’illustre orateur ; car M. Guizot et M. de Broglie n’eussent pas osé se charger d’une pareille fonction. On sait le discours de M. Thiers qui assura n’avoir jamais écrit, dans le National, une ligne où ne dominât le respect de l’ancienne dynastie, et qui reçut le lendemain un démenti éclatant du National. Non-seulement M. Thiers avait outragé l’ancienne dynastie, mais il avait encore fait condamner l’éditeur responsable du National à quatre mois de prison. Voici pour les faits : quant à la logique, la réponse de M. Royer-Collard ne s’est pas fait attendre ; elle a eu lieu dans la séance même où M. Thiers parlait. Pendant le discours du ministre, M. Royer-Collard n’a cessé de hausser les épaules.
On ne peut se figurer la manière dont on traite aujourd’hui M. Royer-Collard dans les salons ministériels et dans le conseil. Les expressions manquent à la colère de ses anciens amis, et nous craindrions de les redire. On peut suppléer à notre silence, en se rappelant la brutale violence que M. Thiers a déployée dans la discussion des lois-Fieschi, et l’enivrement de pouvoir dont il était saisi, ainsi que ses collègues M. de Broglie, M. Persil et M. Guizot. Bientôt ce sera le tour de M. de Talleyrand.
M. de Talleyrand désapprouve formellement ces lois. « Elles portent, a-t-il dit, comme article additionnel, la mort du ministère whig en Angleterre. » On doit s’en fier à M. de Talleyrand qui voit de loin ; mais si le ministère whig se soutient, du moins peut-on dire que les lois nouvelles amèneront la rupture de la quadruple alliance. La marche que suit dès à présent le ministère le mène droit à l’alliance russe. Un député du centre n’a-t-il pas dit à la tribune, et sans ambages : J’espère qu’on sera content de nous à Kalish ! — Oui, on sera content de vous à Kalish ; et vos lois seront déposées dans les archives de la sainte-alliance, avec la dernière ordonnance du roi Frédéric-Guillaume, qui commençait ainsi : « Il est défendu de crier et de siffler dans la ville de Berlin, et dans toute l’étendue du royaume de Prusse. »
Tout marche à l’unisson sur le continent aujourd’hui, et ce qui se passe dans les états où le ministère français conserve quelque influence, serait, à défaut d’autres preuves, un indice suffisant de la réaction qui s’opère aussi dans notre politique extérieure. En Espagne, le système doctrinaire s’établit largement. On ne se borne pas à supprimer arbitrairement les journaux, on arrête leurs rédacteurs, tout comme on fait à Paris. M. Galiano, M. Isturiz, rédacteurs de l’Eco et de la Revista, sont jetés dans