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L’ÉGYPTE MODERNE.

roi de Babylone, il fit construire des vaisseaux sur la Méditerranée et sur le golfe arabique, et commença un canal qui, partant de Suez pour aboutir à la branche pélusiaque, devait établir, par l’intermédiaire du fleuve, une communication continue entre les deux mers. Mais à une autre main était réservé l’achèvement de ce grand ouvrage[1].

Trente ans plus tard le sceptre échut à Amasis, le dernier Égyptien qui ait gouverné son pays. Après son règne, l’art et l’industrie abandonnèrent cette contrée, et furent poursuivre sous d’autres climats la marche de leurs progrès. C’est donc au point de vue de son siècle qu’il faut se placer pour apprécier le dernier terme de la civilisation qui s’était développée sous l’influence du Nil. C’est du haut du trône d’Amasis qu’il faut voir le fleuve descendre de ses sources mystérieuses, recevoir les tributs du Bahr-el-Azrek, du Maleg et de l’Atbarah, embrasser d’abord l’île de Méroé, dépositaire du culte naissant, puis Éléphantine et Philœ, deux messagères que Thèbes envoie au-devant de lui, s’incliner aux cataractes comme pour saluer le grand peuple qui l’attend, entrer dans l’Égypte, son temple, par les portes triomphales d’Élythia, de Silsilis et d’Ombos, traverser vingt mille cités, réfléchir dans ses eaux palais, sphinx, obélisques, labyrinthes, colosses, pyramides, monde de marbre et de granit rivalisant de luxe avec le monde d’où la main de l’homme l’a tiré, se multiplier pour porter ses bienfaits aux états de Tanis, de Bubaste, de Mendès, de Sébennytus, de Saïs, et enfin après huit cents lieues de cours, entrer par sept portes dans la grande arène des mers, pour y suivre des routes inconnues comme son origine. Alexandrie, au temps de Cléopâtre, nous a offert un type brillant, quoique imparfait, de l’association des hommes entre eux ; le Nil, au siècle d’Amasis, nous présente un type non moins remarquable de l’association de l’homme avec le monde matériel.

Ce fut là, ce fut sur les bords du Nil que la providence terrestre, comme nous l’avons dit, prévint avec le plus de complaisance les besoins des sociétés naissantes, et ce fut là aussi qu’entre

  1. Hérod. Euterpe.