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elle fit aboutir des canaux secrets ; puis, ayant invité les meurtriers à un festin, elle introduisit le fleuve, pour dernier convive, dans la salle où ils étaient rassemblés[1]. L’autre nom est celui de Joseph, ministre fameux d’un Pharaon inconnu, grand homme dont les nations gardent un souvenir religieux, et auquel on attribue encore la plupart des ouvrages importans de l’Égypte moyenne. Tout n’est pas erreur dans les traditions populaires, rien ne s’oppose à ce que le fils de Jacob ait ouvert, comme elles le prétendent, le canal de cinquante lieues qui arrose la province d’Arsinoé. Quant au reste de ces premières dynasties, les investigations conduites par la science moderne avec tant de persévérance et de génie n’ont encore abouti à aucune découverte. Il semble que le Nil ait entraîné dans le gouffre de l’oubli la mémoire des rois qui n’avaient pas mêlé leur histoire à la sienne.

On trouve toutefois encore un point lumineux au milieu de ces ténèbres : c’est le règne de Mœris, immortalisé par ce prodigieux réservoir qui fertilisait le district situé au nord d’Arsinoé, dans l’écartement de la chaîne libyque. L’eau du Nil arrivait dans ce lac pendant six mois : durant l’autre semestre, elle s’en retirait, et, au dire des anciens, un canal souterrain, suivant le pied des rochers à travers les sables de Barka, la déchargeait dans la Syrie d’Afrique. Ménès avait empiété sur la mer : Mœris fit reculer le désert. Le Nil était un moyen d’agrandissement entre les mains des rois qui savaient s’en servir.

La période obscure des princes éthiopiens et hyksos ne cesse qu’à la dix-neuvième dynastie, illustrée par ce souverain à qui l’on donne tant de noms, et dont la région du Nil conserve encore tant de légendes, de portraits, de statues et de temples. Le premier titre de Rhamsès-Sésostris au souvenir des hommes est peut-être d’avoir canalisé l’Égypte, ou du moins perfectionné sa canalisation.

Aux Sésostrides succéda la dynastie saïtique. Nécon, l’un des princes de cette race, voulut faire du Nil l’instrument de sa politique. Pour s’emparer des villes phéniciennes soumises au

  1. Hérod. Euterpe.