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gard qui doit marquer ce désir toujours contrarié et toujours renaissant, qui est en même temps la suite et l’indice de la nonchalance et de la débauche.

« Jeune homme, regarde le vice, quel qu’il soit, sous sa véritable forme ; c’en est assez pour le fuir à jamais. »

Est-il rien de plus beau et de plus attrayant que cette peinture de l’amitié ? Est-il rien de plus effrayant que cette peinture du vice ? Lavater cite à ce propos une strophe d’un cantique de Gellert, dont la traduction ne me semble manquer ni de la force ni de la naïveté qui doivent caractériser ces sortes d’ouvrages.


Ô toi, dont l’aspect épouvante,
Que ta jeunesse était brillante !
Hélas ! où sont tes agrémens ?
De la destruction l’image
Sillonne déjà ton visage,
Et prêche tes égaremens.


Les réflexions de Lavater sur une planche gravée, qui représente la figure de Voltaire dans plus de vingt attitudes différentes, ne sont pas moins remarquables par leur sagesse et leur vérité.

« Nous voyons ici un personnage plus grand, plus énergique que nous. Nous sentons notre faiblesse en sa présence, mais sans qu’il nous agrandisse ; au lieu que chaque être qui est à la fois grand et bon, ne réveille pas seulement en nous le sentiment de notre faiblesse, mais par un charme secret nous élève au-dessus de nous-mêmes et nous communique quelque chose de sa grandeur. Non contens d’admirer, nous aimons, et loin d’être accablés du poids de sa supériorité, notre cœur agrandi se dilate et s’ouvre à la joie. Il s’en faut bien que ces visages de Voltaire produisent un effet semblable. En les voyant, on a lieu d’attendre ou d’appréhender un trait satirique, une saillie mordante. Ils humilient l’amour-propre et terrassent la médiocrité. »

Il n’est pas un lecteur de Lavater qui n’ait cherché avidement, dans la galerie de ses portraits, une ressemblance physique avec soi-même, et, dans l’application de cette même physionomie, la clé de sa propre organisation et de sa propre destinée. Malgré soi, l’esprit s’y attache avec une inquiétude superstitieuse. Or, je vous