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gnement ont été surpassés ; ceux de polémique n’ont plus qu’un mérite d’analogie éloignée avec des principes de critique appliqués à d’autres littératures ; ceux dont le cadre et le fonds sont plus particulièrement littéraires, aucune nation ne les réclame parmi ses titres, aucune langue vivante ne les reconnaît ; ils ne sont lus que par quelques savans obligés d’en chercher le vocabulaire à dix-huit siècles d’ici. Érasme est donc mort, mort pour ne plus ressusciter ; aussi n’est-ce point pour renouveler une de ces vaines tentatives de réhabilitation, où l’on se donne le relief d’en savoir plus sur le génie que la postérité toute entière, que j’ai tâché d’apprécier et ce qu’il a été et ce qu’il a fait ; ç’a été pour appeler un peu de reconnaissance passagère sur cet illustre martyr du travail et de la science, qui a semé ce que d’autres devaient recueillir, et dégrossi ce que d’autres devaient perfectionner, toujours chargé de la plus rude et de la moins glorieuse tâche, toujours travaillant pour autrui, mais esprit vivace, libre, ingénieux, quoique sous le faix d’idées qui devaient mourir et d’une langue qui avait vécu ; homme unique, où l’antiquité se rejoint aux temps modernes, et qui a été, dans l’Europe occidentale, l’intermédiaire et l’interprète le plus intelligent de cette magnifique scène de reconnaissance des fils et des pères, du passé et de l’avenir, que nous appelons la Renaissance.


Nisard.