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ÉRASME.

grecs et latins. L’Allemagne était déjà le pays de la philologie ingénieuse et patiente ; en peu de temps elle put opposer des savans aux savans d’Italie, et des éditions à leurs éditions. L’Italie en fut blessée, et elle montrait naïvement son dépit en faisant soutenir aux candidats pour les grades universitaires des thèses où l’on prouvait à des contradicteurs bénévoles la supériorité de l’Italie sur l’Allemagne, des Romains sur des Barbares.

Érasme, élève d’Hegius, qui l’était lui-même de Rodolphe Agricola, continua la tâche de ses deux illustres maîtres. Mais doué d’un génie plus actif, plus entreprenant, plus impatient des obstacles, au lieu d’enfermer son savoir et son zèle dans l’enceinte d’une école, il s’adressa par la presse du temps à tout ce public d’Allemagne, d’Angleterre et de France, qui ouvrait des yeux avides aux rayons de cette douce lumière venue d’Italie, malgré les prétentions de ses savans à la tenir sous le boisseau. Tandis que par quelques écrits satiriques, par des allusions, par des lettres, il couvrait de ridicules les moines et tous les ignorans privilégiés qui vivaient des ténèbres, par des traductions d’auteurs grecs et latins[1], par des grammaires et des dictionnaires[2], par des traités généraux et spéciaux[3], par des plans d’étude[4], il touchait à la fois à tous les points de l’enseignement élémentaire et de l’enseignement supérieur. Il sortait même du cercle des lettres, et soit en traduisant des traités de Galien, soit en écrivant des déclamations sur la médecine, il tâchait de tirer cet art de ce mélange d’empirisme et d’astrologie qui blessait tout au moins la raison, s’il ne tuait pas plus de gens que la médecine rationnelle. La plupart de ces ouvrages ou traités, écrits tantôt en forme de dialogues, tantôt avec l’appareil grave et orné d’une déclamation à la manière ancienne, ici coupés par petits

  1. Traduction de deux pièces d’Euripide, Hécube et Iphigénie, — des Dialogues de Lucien.
  2. Traité sur les parties du discours. — Traduction de la Grammaire grecque de Théodore Gaza. — Dictionnaire grec.
  3. Dialogues sur la bonne prononciation du grec et du latin. — De duplici rerum ac verborum copiâ. — De ratione conscribendi epistolas.
  4. De ratione studii.