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le fortifia-t-elle beaucoup contre le mouvement de l’opinion et les partis ? Cinq mois après, Napoléon débarquait au golfe Juan, et les Bourbons quittaient Paris en fugitifs.

Napoléon n’était pas l’ami de la liberté ; il ne comprenait pas la portée politique d’une presse libre, organe de toutes les plaintes, servant à indiquer la situation du pays et les véritables pensées des partis ; mais en arrivant en France, en 1815, Napoléon n’était plus l’empereur tout-puissant de 1810. « Français, avait-il dit en débarquant au golfe Juan, je viens rendre la France libre pour me proclamer son premier citoyen ; je viens vous arracher à la glèbe, au servage dont la restauration vous menace. » Napoléon, à Paris, dut tenir ses promesses ; les journaux ne furent point envahis, il n’y eut pas de censure ; seulement une méfiance naturelle resta dans l’esprit de Napoléon. Fouché s’empara des patriotes ; son premier acte fut la réunion de l’imprimerie et de la librairie à son ministère de la police. Le duc d’Otrante connaissait cette grande puissance ; le 3 avril, il appela dans ses bureaux les différens rédacteurs de journaux, leur indiqua avec netteté les principes du gouvernement, et demanda leur concours pour le maintien de l’ordre et de la constitution.

L’acte additionnel du Champ-de-Mai contint un article positif sur la liberté de la presse et l’abolition de toute censure ; mais les journaux restèrent toujours sous la dépendance de la police, et ne furent qu’une expression timide de l’opinion publique.

Waterloo emporta Napoléon. Les armées alliées furent maîtresses encore une fois de la capitale ; pendant quelques jours, les journaux furent sous la censure militaire de Blücher ; puis la police ayant passé à M. Decazes, une commission de censure fut nommée. Le gouvernement fut-il plus fort ? À quelle époque éclatèrent les plus violens complots contre la restauration ? quand fut-elle plus vivement menacée par les divers partis qui s’agitaient ? Les hommes d’expérience avaient beau dire que là où il n’y a pas de presse libre, il y a impossibilité de connaître les partis, de pénétrer leurs desseins, et que les journaux sont les meilleurs moyens de police ; on ne les écouta pas. La presse fut alors vigoureusement persécutée. On suspendait un journal par une simple lettre ministérielle ; il existe même un petit billet de M. Villemain, chef de la division de l’imprimerie, qui intimait l’ordre à la Quotidienne de ne plus paraître. Ces persécutions eurent le résultat que toute persécution produit, elles jetèrent un vif intérêt sur la presse, et firent sentir la nécessité de lui donner la garantie d’une législation régulière.

Les deux époques qu’il faut perpétuellement comparer lorsqu’on veut juger l’esprit de la chambre des députés actuelle et le mouvement de réaction qui l’anime, c’est d’abord la session de la chambre introuvable de 1815, et le mouvement qui s’opéra dans le parti royaliste après l’assassinat du duc de Berry. La session de 1815 offre surtout une circonstance remarquable, M. Guizot était secrétaire-général de M. Barbé-Marbois, et il rédigeait presque tous les discours et les exposés de